Crise universitaire au Niger : Le Président Issoufou veut-il vraiment un apaisement ?

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Après les tentatives infructueuses de ses ministres d’accabler les élèves et étudiants et de convaincre l’opinion sur l’innocence de la police dans les événements du 10 avril 2017, le Président Issoufou Mahamadou a décidé finalement de prendre les choses en mains lui-même, en rencontrant le Secrétaire général de l’Union des Scolaires Nigériens (USN).

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C’est là un geste politique et de communication qu’il faut saluer sincèrement; car, c’est au moins mieux que d’envoyer encore d’autres ministres tenter l’exercice qui n’a réussi à aucun des trois anciens militants de l’USN de son gouvernement.

Le geste du Président Issoufou, qui est diversement interprété au sein de l’opinion, signe un début de prise de conscience de l’homme fort de Niamey quant à la gravité de la situation actuelle; mais, il n’échappera à personne que ce début de prise de conscience du Chef de l’État est d’abord une conscience des risques que court son propre régime dans un contexte marqué par un épuisement général.

En effet, il convient de relever que le Président Issoufou s’est gardé de s’exprimer lui-même directement devant les journalistes présents pour couvrir l’événement exceptionnel qu’est la rencontre d’un Chef d’État avec des responsables du mouvement scolaire ; il a préféré laisser le bon soin à ces derniers de rendre compte au peuple de ce qui s’est dit dans le secret du salon présidentiel, comme si la parole du Secrétaire général de l’USN peut suffire à calmer la douleur et la colère ressenties par des milliers de personnes.

Cela donne malheureusement raison à ceux qui, nombreux sur les réseaux sociaux, ont dénoncé une action de communication, voire une manœuvre de division du mouvement scolaire.

Les promesses présidentielles rapportées par le Secrétaire général constituent, à certains égards, un début de réponse aux appels lancés par différentes organisations de la société civile et des partis politiques ; mais, les observateurs avertis ne manqueront pas, dans tous les cas, de constater que le Chef de l’État a raté une belle occasion de s’exprimer lui-même sur les événements du 10 avril 2017, ne serait-ce que pour présenter de vive voix ses condoléances et regretter les actes graves posés par des agents publics.

Après les ratés de la communication de ses trois (3) ministres, le Chef de l’État devrait montrer qu’il a bien saisi la portée de l’indignation nationale suscitée par les événements du 10 avril 2017; car, ce qui s’est passé sur le campus de l’université Abdou Moumouni de Niamey, outre la mort tragique de l’étudiant Mala Kelloumi Bagalé, constitue un indicateur patent de la décadence morale à l’œuvre dans notre pays.

Les témoignages des étudiants et enseignants, ainsi que divers enregistrements vidéo diffusés sur les réseaux sociaux, font cas des faits très graves et inacceptables même dans un contexte de conflit armé : vol de biens appartenant aux étudiants, saccage de bibliothèques et autres biens, incendie d’une mosquée, tentative de viol sur des jeunes étudiantes, bastonnades et humiliations d’étudiants après leur arrestation, etc.

Ces faits imputés à des éléments des forces de l’ordre ne constituent pas seulement un coup dur pour l’image de celles-ci auprès des citoyens ; ils sont clairement une source d’inquiétude pour des milliers de personnes qui n’ont plus aucune raison de penser qu’ils ne risquent pas demain d’être victimes des tels actes.

Devant la gravité de ces actes, il est donc surprenant que le Président de la République ne comprenne pas que le Secrétaire général de l’Union des Scolaires Nigériens ne détient pas à lui tout seul, les clés de la crise actuelle ; car, ce sont certainement des milliers et des milliers de Nigériens et Nigériennes, au-delà des élèves et étudiants, qui ont ressentis le choc du 10 avril 2017, amplifié par les propos négationnistes des ministres et responsables politiques de la majorité au pouvoir.

Le Chef de l’État, qui a bien fait d’accéder à certains appels lancés à son endroit et de donner des instructions pour l’ouverture des négociations avec l’USN, devrait aussi prendre des sanctions contre ceux qui ont visiblement failli dans l’accomplissement de leurs missions ; et cela pour, non seulement se démarquer lui-même, en sa qualité de garant du respect de la Constitution, des atteintes graves aux droits humains, mais aussi administrer la preuve qu’il ne cherche pas, avec l’Union des Scolaires Nigériens, un arrangement lui permettant de continuer à garder autour de lui des responsables prêts à commettre les mêmes actes chaque fois qu’ils en ont l’occasion.

Comme on l’a vu dans d’autres circonstances, le Président Issoufou ne veut sanctionner personne autour de lui ; et personne aussi autour de lui n’est vraiment prêt à jouer les fusibles.

Aujourd’hui, l’histoire donne raison au chercheur franco-nigérien Jean Pierre Olivier de Sardan qui, dans une tribune publiée dans le journal français Marianne, parlait des quatre (4) prisons du pouvoir dans lesquelles serait enfermé le Chef de l’État nigérien.

En bon « Homme de parole », et certainement aussi convaincu que tous les actes posés par ses partisans peuvent lui profiter, le Chef de l’État semble donner plus d’importance à la loyauté envers ses proches qu’à la loyauté envers le peuple ; il préfère donner l’image du chef d’orchestre de tout ce que les Nigériens dénoncent plutôt que de les rassurer qu’il peut être un recours pour eux, y compris contre les agissements des fidèles parmi les fidèles lorsqu’il est établi qu’ils sont en faute.

Les plus indulgents diront que le Président est prisonnier d’un mauvais entourage qui lui fait croire que tous ceux qui critiquent ses actions sont en fait des ennemis à combattre ; mais, il s’agit là d’un argument bien faible et peu convaincant, surtout dans le contexte actuel où le principal concerné peut constater de lui-même ou par le biais de ses services, que les discours tenus par ses partisans ne font que jeter de l’huile sur le feu qu’il semble vouloir éteindre.

En tout cas, après la virulente déclaration des partis membres de la majorité présidentielle, on se demande comment le Secrétaire général de l’USN peut-il apaiser la colère de ses propres camarades ; car, cette déclaration est venue une fois de plus remuer le couteau dans la plaie, d’une part, en faisant porter toute la responsabilité de la tragédie sur les élèves et étudiants eux-mêmes, et d’autre part en présentant le martyr Mala Bagalé Kelloumi comme un « agresseur » victime de ses propres turpitudes.

Cette déclaration des partis membres de la majorité, qui reprennent à leur compte une version fortement contestée au sein de l’opinion, peut-elle être accueillie autrement que comme une insulte et une provocation par les élèves et étudiants et la famille de la victime ?

Cette déclaration peut-elle être interprétée autrement que comme un défi et une menace lancés à l’endroit de ceux qui demandent justice pour l’assassinat du jeune étudiant ?

Si l’objectif du Président de la République, en rencontrant le Secrétaire général de l’USN, est bien de lancer le dialogue et apaiser un climat déjà très tendu, comment peut-il lui échapper que la déclaration de ses partisans va plutôt dans le sens d’ouvrir ou d’intensifier les hostilités ?

Le Président de la République pense-t-il que la défiance permanente, les invectives et les accusations à n’en pas finir à l’encontre des adversaires politiques et des acteurs de la société civile sont les meilleurs moyens de se maintenir au pouvoir ?

Ce sont là quelques questions que beaucoup de Nigériens se posent à l’heure actuelle; elles indiquent combien beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui médusés devant le triste spectacle d’une gouvernance plombée par une sorte de « complotide ».

Ce climat est insupportable, aussi bien pour qui s’amusent à l’entretenir, que pour ceux qui le subissent ; mais, puisque ceux qui ont la responsabilité de gérer les affaires du pays ne sont pas prêts à le changer, il faudra alors que la mobilisation populaire s’accentue et les y contraigne.

Cette mobilisation est aujourd’hui une nécessité ; une nécessité parce que ceux qui nous dirigent sont convaincus que nous courberons l’échine chaque fois qu’ils profèrent des menaces ; c’est une nécessité, parce que à ce rythme nous n’aurons plus aucun droit dans notre propre pays, sauf celui de se taire et laisser nos dirigeants disposer de nous-mêmes et de nos biens. La mobilisation populaire parce que c’est le seul moyen par lequel nous pouvons encore défendre notre dignité de citoyens.

Contributions FB Moussa Tchangari

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