Le Niger était sur les premières marches de la 12ème édition de l’Africa Movie Academy Awards (AMAA) le 11 juin dernier à Port Harcourt dans l’Etat de Rivers au Nigeria.
La réalisatrice Aicha Elhadj Macky a remporté le trophée de meilleur documentaire africain de l’année 2016, avec son film »L’arbre sans fruit », sorti cette année même.
Aicha Macky était à Port Harcourt, avec deux autres Nigériens, notamment le réalisateur Moussa Hamadou Djingarey, et Beidari Hamani Yacouba, respectivement nominés pour les catégories meilleure fiction et meilleur acteur.
«Sans une équipe compétente, un réalisateur ne réussit jamais son œuvre. Et sans les diffuseurs et les médias, lui et son œuvre restent cachés et inconnus du public. Je ne serai pas arrivée là sans le soutien de tout ce monde. Mais je n’oublierai pas le soutien de la famille qui est capital, surtout pour la femme que je suis », s’exprimait ainsi Aicha Elhadj Macky dans un entretien en ligne depuis Port Harcourt, après avoir remporté le trophée de meilleur documentaire africain de l’année 2016, avec son film »L’arbre sans fruit ».
Le 4 juin dernier, à l’issue de la projection du film au Palais des Congrès de Niamey, le ministre de la Renaissance Culturelle, des Arts et de la Modernisation Sociale, Porte-parole du Gouvernement, M. Assoumana Malam Issa, remettait à Aicha Elhadj Macky et ses compatriotes le drapeau du Niger qu’ils allaient représenter à l’AMAA de Port Harcourt. Et c’est finalement l’œuvre de Aicha Elhadj Macky qui a été primée.
Les AMAA sont, d’une certaine manière, les oscars à l’africaine. C’est un peu une lapalissade que de dire qu’Aicha Elhadj Macky a dû se battre pour en arriver là.
En effet, la réalisation de ce documentaire n’a pas été du tout aisée. Non pas parce que, comme dans d’autres pays, les réalisateurs africains sont confrontés au problème de moyens financiers ou matériel, mais surtout parce que la réalisatrice du documentaire »L’arbre sans fruit » a peiné pour trouver les personnes qui ont témoigné sur un sujet aussi »tabou » et grave que celui des couples qui n’arrivent pas à avoir d’enfant.
Ces passages du synopsis justifient le projet du film, et révèlent la gravité du sujet du film dont la réalisatrice est un des principaux personnages, car elle-même concernée par le problème abordé.
»Il y a quelques années, je me suis mariée, et aujourd’hui encore, nous n’avons pas d’enfant. Cette situation est »hors-norme » dans mon pays, le Niger, dans lequel le statut marital somme le couple d’enfanter le plus tôt possible.
Mais au Niger, comme partout dans le monde, il y a des problèmes d’infertilité. Ce documentaire se conçoit comme un carnet de vie. Il trace le cheminement de mon rapport à la maternité, et prend pour point de départ cette mère inconnue dont je n’ai comme souvenir qu’une photo floue (NDLR, la photo de la mère de la réalisatrice qu’elle a perdue à l’âge de 5 ans).
A travers mon expérience personnelle, je cherche à sonder le destin des femmes autour de l’enfantement, et recueillir le ressenti des femmes présumées infécondes ».
Dans le film réalisé à travers le Niger, la »briseuse de tabous » a abordé la question de l’infertilité, des couples sans enfant, avec des spécialistes, des oulémas, à travers des débats radiophoniques, et surtout avec des femmes qui, comme elle, souffrent du »regard des autres », et de »la pression exercée sur les femmes infécondes », qu’elles sont accusées d’être.
Pour porter leurs »histoires » à l’écran, Aicha Elhadj Macky a dû user de beaucoup de tacts pour convaincre certaines à témoigner. »Il a fallu un peu me mettre en danger pour convaincre les autres.
Se faire filmer, c’est se mettre en danger surtout sur des thématiques assez sensibles. La démarche du sujet à la première personne a aidé à gagner la confiance des personnages sans lesquels mon histoire seule ne suffirait pas à faire un film », confie la réalisatrice.
Mais comme le relève Aicha, ce que le film donne à voir d’ailleurs, il n’y a pas que la femme qui en pâtit. »Le couple aussi peut être mis en danger s’il ne répond pas aux exigences de la vie maritale ». Le documentaire »L’arbre sans fruit », qui est l’histoire de la réalisatrice, mais aussi celle d’autres femmes, tente ainsi de briser le tabou que constitue la vie, l’histoire de nombreuses femmes nigériennes et africaines.
A trente deux ans, Aicha Elhadj Macky, cette »briseuse de tabous », est en train de se frayer un passage dans la sphère cinématographique avec une filmographie qui promet, car avant »L’arbre sans fruit », elle a réalisé » Savoir faire le lit », »Moi et ma maigreur », la fiction »Le dilemme de Binta ». Elle promet pour les cinéphiles »Ziguegué », »Les erreurs » et »Les faux compagnons », qui sont en cours de réalisation.
Souley Moutari(onep)
www.lesahel.org