Assemblée nationale : Le ministre d’Etat Amadou Boubacar Cissé répond à une interpellation du Gouvernement sur l’ IDH

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Le ministre d’Etat, ministre du Plan, de l’Aménagement du territoire et du Développement communautaire, Amadou Boubacar Cissé, était samedi dernier à l’hémicycle pour répondre à la requête en interpellation formulée par deux députés de l’Opposition au Gouvernement par rapport au rang qui est celui du Niger au dernier classement de l’Indice de Développement Humaine (IDH) que publie chaque année le PNUD.

Nous publions dans leur intégralité les questions des députés Seidou Bakari et Abdoulkadri Tidjani et les réponses du Ministre d’Etat Amadou Boubacar Cissé.

Comme il se doit, un débat intense de plusieurs heures s’est instauré au cours duquel les deux bords à savoir la majorité et l’opposition ont eu un temps d’antenne équitable de 2 heures chacune. Le ministre d’Etat a ensuite repris la parole pour répondre à toutes les préoccupations soulevées. L’Assemblée donnera une suite à cette interpellation à travers une déclaration.
Questions d’interpellation des députés Saidou Bakari et Abdoulkadri Tidjani
« Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a rendu public, le 27 juillet 2014, son classement annuel de l’Indice de Développement Humain (IDH). Sur 187 pays classés, le Niger est classé 187e. Les nigériens constatent aujourd’hui qu’en dépit des slogans tapageurs qui leur sont servi leurs conditions de vie se sont considérablement dégradées depuis l’avènement de la Renaissance en 2011. Force est de constater que l’IDH est passé de 0,335 en 2012 à 0,337 en 2013, soit un gain négligeable de 0,002 point. A titre de comparaison, ce gain a été de 0,005 point en 2010, soit plus du double. Comme le dit la sagesse de chez nous, « une main humaine ne peut pas cacher un soleil levant». Il fait maintenant jour. Le verbiage creux, les budgets annuels fantaisistes et les fausses statistiques concoctées à la va-vite à l’approche des bilans annuels ne peuvent résister trop longtemps. Plusieurs de vos ministres, ici interpellés, se sont adonnés à cœur joie à cet exercice consistant à vanter les soi-disant mérites du gouvernement, n’hésitant pas à user de statistiques et de chiffres traficotés à dessein. La pensée unique régnant, la critique objective ne pouvait avoir droit de cité. Pourtant, jamais nous n’avons caché nos analyses, nos opinions et nos inquiétudes sur la façon dont votre gouvernement gère les affaires de l’Etat. Hélas, vous n’avez pas voulu écouter. Mal vous en prend aujourd’hui.

 

La vérité a éclaté. Aussi, avons-nous le devoir, en conformité avec les pouvoirs que nous confère la Constitution de vous poser les questions suivantes : Qu’avez-vous à dire à propos du rang du Niger dans le classement 2014 de l’Indice de Développement Humain (IDH) ?

 

Est-ce que les hausses spectaculaires des budgets de l’Etat depuis 2011, souvent plus de 50% d’augmentation ont impactés sur les conditions de vie des populations nigériennes et dans quels domaines ? Le croit démographique souvent évoqué pour justifier la place de dernier du Niger est-il suffisant quant on sait que des pays comme le Mali, avec des caractéristiques démographiques similaires, sans uranium, ni pétrole, est classé de 10 rangs devant le Niger et qu’il faut 15 ans au rythme de la « Renaissance du Niger » pour atteindre le niveau actuel du développement humain du Mali.

 

Croyez vous sincèrement quele programme de la renaissance pourrait permettre à notre pays d’inverser la tendance d’ici 2016? Cela fait trois années que le Niger est devenu producteur de pétrole. Cela fait trois ans aussi que le Niger est classé dernier. Pourquoi le pétrole n’a jusqu’à présent pas d’impact perceptible sur les conditions de vie des populations nigériennes? En vous souhaitant bonne réception, nous vous prions de bien vouloir agréer ; Excellence Monsieur le Premier ministre, Chef du Gouvernement, l’assurance de notre parfaite considération. ».

Réponse du ministre d’Etat Amadou Boubacar Cissé à l’interpellation du Gouvernement
« Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ;
Honorables Députés,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;
C’est avec un réel plaisir que je me retrouve, au nom de SEM BrigiRafini, Premier Ministre, Chef du Gouvernement, devant votre auguste Assemblée pour répondre, à l’interpellation des honorables députés Bakary Seidou et Tidjani Abdoulkadri, en date du 11 août 2014, sur le dernier Rapport Mondial sur le Développement Humain publié par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) le 24 juillet 2014 à Tokyo.

 

Permettez moi, Excellence, Monsieur le Président, d’exprimer nos vifs remerciements aux honorables députés pour l’opportunité qu’ils nous offrent ainsi, d’entretenir la représentation nationale du peuple sur une question aussi importante que le développement humain. Du reste, cette interpellation s’inscrit dans le programme du Gouvernement visant notamment à organiser une journée parlementaire sur les questions de développement humain pour favoriser des débats nationaux constructifs sur la question.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ; Honorables Députés
L’Indice du Développement Humain (IDH) est un indice statistique composite créé par le Programme des Nations Unies pour le Développement en 1990 pour principalement évaluer le niveau de développement humain des pays du monde. Cet Indice a été développé par deux économistes tiers mondistes avec l’économiste pakistanais Mahbubul Haq et l’économiste Indien Amartya Sen. Il a pour objectif de replacer la personne humaine au centre du processus de développement, du point de vue du débat économique, des orientations de politique publique et de la sensibilisation.

 

Le concept de développement humain est cependant beaucoup plus large que ce qu’en décrit l’IDH qui n’est qu’un indicateur parmi un certain nombre. L’DH est basé sur le postulat que le développement devrait être mesuré non pas seulement en termes de croissance économique (dimension économique), mais aussi en termes de progrès dans les domaines de la santé et de l’éducation (dimension sociale). Aussi, l’indice proposé mesure mieux le bien être collectif que le produit intérieur brut (PIB) par habitant qui a été utilisé pendant des années par des organismes nationaux et internationaux.

 

Depuis 2010, le PNUD a apporté des corrections à l’IDH et a publié d’autres indicateurs permettant d’affiner son approche. Ainsi, l’IDH rénové prend en considération la dimension économique et la dimension sociale à travers les trois (3) domaines spécifiques suivants : la santé et la longévité mesurées par l’espérance de vie à la naissance qui permet d’apprécier indirectement la satisfaction des besoins matériels essentiels tels que l’accès à une alimentation saine, à l’eau potable, à un logement décent, à une bonne hygiène et aux soins médicaux ; le savoir ou niveau d’éducation mesuré par la durée moyenne de scolarisation pour les adultes de plus de 25 ans et la durée attendue de scolarisation pour les enfants d’âge scolaire.

 

Il traduit la satisfaction des besoins immatériels tels que la capacité à participer aux prises de décision sur le lieu de travail ou dans la société ; le niveau de vie mesuré à travers le Revenu National Brut (RNB) qui, contrairement au Produit Intérieur Brut, prend en compte les flux internationaux, pour ne conserver que les richesses produites au sein du pays. D’autres indicateurs ont été créés pour compléter l’IDH. Il s’agit de l’Indice d’Inégalité liée au Genre (IIG) et de l’Indice de Pauvreté Multidimensionnelle (IPM).
Le Rapport Mondial sur le Développement Humain est essentiellement un outil de réflexions et de questionnements pour tous les pays et les organisations de développement. Il est surtout destiné à renforcer la prise de conscience et stimuler les débats, à l’échelle nationale et internationale sur les questions de développement humain. Alors que le rapport doit servir d’instrument de plaidoyer et de sensibilisation dans les principaux secteurs importants de développement humain, force est de constater qu’ au Niger, l’attention est malheureusement focalisée sur le classement numérique des pays qui ne rend pas compte de tous les progrès enregistrés dans différents domaines tels que la sécurité, la gouvernance, les infrastructures, l’environnement et l’évolution des inégalités.

 

En outre, l’indice traduit essentiellement des tendances de longs termes et reste peu sensible aux situations conjoncturelles positives ou négatives. A titre illustratif, mêmes les pays en conflits maintiennent une situation relativement stable ) à court terme. De ce fait, la cristallisation du débat au plan national sur le classement basé sur cet indicateur composite dont les limites sont reconnues par les auteurs du rapport eux mêmes, n’est pas de nature à permettre une réflexion féconde sur la thématique de l’heure et les politiques sectorielles permettant de répondre aux enjeux et défis identifiés.

 

Je souhaite par conséquent qu’au cours de cette journée d’échanges, nous puissions engager des réflexions profondes sur les politiques publiques permettant de transcender des divergences et autres considérations partisanes pour aboutir véritablement à des propositions utiles pour la société nigérienne aussi bien pour le présent que pour le futur. En effet, nos compatriotes sont en droit d’attendre de nous de privilégier, la recherche de solutions consensuelles aux défis communs de sécurité et de développement qui nous interpellent et auxquels, nous faisons face quotidiennement.

 

Il ne peut en être autrement car, comme vous l’avez bien compris, l’Indice de Développement Humain loin de mesurer la performance à un moment donné d’un gouvernement ou d’un autre est avant tout le résultat sur le long terme des différentes politiques menées par les gouvernants successifs mais aussi la traduction d’un processus d’évolution sociale et culturelle de toute la population ce qui implique une responsabilité collective qui transcende les régimes politiques et les situations conjoncturelles.

 

Enfin, il est important de retenir comme indiqué dans le premier RMDH que si l’indice de développement humain est une manière innovante de mesurer le développement, néanmoins, il ne couvre que quelques choix des individus et néglige beaucoup ceux auxquels ces mêmes individus accordent une grande valeur tels que la liberté économique, la liberté sociale et politique, la protection contre la violence, l’insécurité et la discrimination qui sont pour un pays comme le Niger au centre des politiques publiques et des préoccupations quotidiennes des autorités. A cet égard, les analyses que nous sommes appelés à effectuées doivent tenir compte de ces limites afin d’apprécier objectivement les efforts du Gouvernement actuel dans des multiples domaines de la vie socio économique du pays.

 

Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale Honorables députés
Avant de répondre spécifiquement aux quatre questions posées dans le cadre de la présente interpellation, il me parait aussi utile d’apporter quelques précisions sur l’évolution réelle des conditions de vie des populations nigériennes sur la base de quelques indicateurs dans les différents domaines.

 

Ces informations sont issues de sources internationales et nationales crédibles de référence. Certaines données sont mesurées notamment par notre Institut National de la Statistique avec tout le professionnalisme qu’imposent la Charte africaine de la Statistique et les principes des statistiques publiques définies par les Nations Unies. Sans être exhaustif, nous pouvons relever dans le rapport de développement humain, les progrès suivants : Entre 1980 et 2013, l’IDH du Niger est passé de 0,191 à 0,337, soit un accroissement de 76,4% et une progression annuelle moyenne de 1,74%. Le Niger fait partie des rares pays pour lesquels la progression de l’IDH s’accélère de manière continue (« 1,34% entre 1980 et 1990 » ; « 1,86% entre 1990 et 2000 » ; « 1,95% entre 2000 et 2013 »).

 

La progression de l’IDH du Niger est supérieure à la moyenne des pays d’Afrique Subsaharienne qui est de 1,37. Si l’on considère la sous période 2011-2013, l’IDH est passé de 0,328 à 0,337 soit une évolution de 0,09 points contrairement aux estimations faites par les deux députés. L’espérance de vie à la naissance s’est accrue de 19 ans entre 1980 et 2013 (58,4 ans contre 39,4 ans). Cet indicateur était estimé à 57 ans en 2010 soit un gain cumulé de 1,4 ans depuis l’installation des autorités de la Septième République.

 

Ce progrès a été soutenu par la réduction sensible du taux de mortalité infantile qui est passé de 81 pour mille en 2009 à 54 pour mille en 2013 et du taux de mortalité maternelle qui est passé de 554 pour 100 000 naissances en 2010 à 535 pour 100 000 naissances en 2013. Le taux de prévalence du SIDA a aussi enregistré une importante baisse en passant de 0,7% à 0,4% ; la durée attendue d’éducation a augmenté de 3,8 ans entre 1980 et 2013 (5,4 ans contre 1,6 ans). Le niveau de l’indicateur était de 4,9 ans en 2010.

 

Cet indicateur a été amélioré à travers l’évolution positive des taux de scolarisation notamment au primaire qui ont enregistré un bond significatif en passant de 72,9 % en 2010 à 82% en 2013 ; le revenu national brut par tête a progressé de 6,2% entre 2011 et 2013. Il est passé de 822 dollars par habitant en 2011 à 873 dollars en 2013. Ce n’est pas pour faire la polémique. Il faut noter qu’il a enregistré une baisse continue de 2005 à 2010. En ce qui concerne, les inégalités de revenu, le Niger se classe à la 29ième place sur 113 pays devant plusieurs pays dont l’IDH est nettement supérieur à celui de notre pays grâce aux efforts de redistribution de la richesse nationale.

 

En effet, la part du revenu des 20% les plus riches représente environ 5 fois la part du revenu des 20% les plus pauvres alors que pour des pays comme l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Honduras, le Comores, la proportion est supérieure à 25. Nulle part le Niger n’est dernier. C’est une question de moyenne géométrique pour tout régime confondu le Niger a fait des progrès. Lorsque l’on considère l’Indice de Développement Humain ajusté aux inégalités, le Niger gagne trois points de classement. Il se retrouve devant la Sierra Leone, la République Centrafricaine et le République Démocratique du Congo.

 

En outre, le classement de l’IDH selon les sexes montre que l’IDH hommes (0,385) est supérieur à ceux du Congo (0,369) et de la Centrafrique (0,382). De même, dans le classement des pays selon l’Indice d’inégalités de genre, le rang du Niger est meilleur que ceux de trois pays à savoir le Yemen, l’Afghanistan et le Tchad. Par ailleurs, des évolutions fortes sont constatées dans d’autres domaines notamment la sécurité, la réduction de la pauvreté, les infrastructures, la gouvernance, l’environnement, le climat des affaires, la stabilité du cadre macroéconomique comme en attestent les rapports bilans des trois ans de l’action gouvernementale, les rapports de mise en œuvre du Plan de Développement Economique et Social et les rapports des institutions comme la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement, le Fonds Monétaire International, Transparency International, reporters sans frontières etc…

 

Enfin, les différentes missions de terrains effectuées de manière indépendante par les acteurs nationaux et internationaux attestent, si besoin est, des multiples réalisations enregistrées par le Gouvernement en vue d’améliorer significativement les conditions de vie des laborieuses populations.
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
Honorables députés
Je voudrais avec votre permission commencer par la deuxième question relative à des prétendues hausses spectaculaires des budgets de l’Etat depuis 2011 et leurs impacts sur les conditions de vie des populations nigériennes car, la réponse rejoint, vous l’avez noté, les développements qui sont faits sur l’évolution de plusieurs indicateurs de développement reconnus au niveau international.

 

A la lumière de ces statistiques, l’amélioration des conditions de vie des populations nigériennes est indéniable, qu’il s’agisse de l’emploi et le revenu, de l’alimentation, de l’éducation, de la santé, de la communication, du logement, de l’eau potable, des routes, de l’énergie, de l’accès à l’information.

 

Ces effets sont imputables aux efforts particuliers qui sont faits pour assurer d’une part, une mobilisation des ressources internes et externes et d’autre part organiser l’allocation aux secteurs prioritaires conformément au programme de renaissance décliné dans le plan d’actions prioritaires du PDES. Les ressources du budget de l’Etat sont passées de 653,79 milliards en 2011 à 1128,50 milliards en 2013 contre 568 milliards de FCFA en 2009.

 

Cela a été facilité par les efforts importants engagés dans le cadre de la mobilisation des ressources extérieures qui sont passées de 335 milliards de FCFA en 2011 à 3600 milliards de FCFA au 31 juillet 2014. Cela a permis, de manière effective d’observer une progression en valeur absolue du volume des dépenses exécutées qui sont ressorties à 2655 milliards de FCFA avec une moyenne annuelle de 885,2 une progression de 46,97% entre 2010 et 2013. Par contre, elles se sont établies à 1425 milliards de FCFA avec une moyenne annuelle de 475,24 milliards ce qui correspond à une progression des dépenses de 1,07% pour la période précédente.

 

Les hausses des budgets constatées sont motivées par : le respect très fort des engagements pris par le Gouvernement, la prise en compte progressive de la nouvelle configuration des pouvoirs d’Etat prévus par la Constitution (Assemblée Nationale, Conseil Economique et Social et toutes les autres institutions) ; les besoins d’investissements ressortis dans le Plan de Développement Economique et Social pour assurer le rattrapage en matière de développement ; les besoins de redynamisation de l’administration publique et d’amélioration de l’offre des services publics de proximité en
témoignent les recrutements massifs dans les secteurs de l’éducation et de la santé ; la prise en charge des dépenses inhérentes aux questions sécuritaires au plan national, sous régional et régional ce qui a permis au Niger non seulement de maintenir l’intégrité du Territoire et d’être une référence dans la sous-région mais aussi de contribuer à la sécurité au niveau continental ; le respect des engagements pris avec les partenaires techniques et financiers relatifs au remboursement de dette publique et au paiement des contributions du Niger aux organisations internationales. Ainsi, nul besoin d’une longue démonstration, les ressources allouées pour assurer concomitamment la relance de l’appareil administratif, la sécurité interne et externe et les investissements majeurs dans les infrastructures, la sécurité alimentaire et les secteurs sociaux ainsi que les reformes profondes engagées sont entrain de transformer totalement la physionomie de notre pays et de le mettre sur le sentier de l’émergence. Il faut le dire pour s’en convaincre, au regard de la situation des indicateurs du Niger fruit du faible niveau d’investissements cumulés pendant des décennies, l’augmentation des budgets est une nécessité absolue non pas sur deux ou trois ans mais sur le long terme. A cet égard, nous saluons l’effort des partenaires techniques et financiers qui ont particulièrement soutenu les efforts du Niger au delà de toutes les attentes. S’agissant de la troisième question, puisque les honorables députés m’obligent de parler d’un pays ami et voisin comme le Mali, je me dois avant tout propos de souligner que le score de l’Indice de Développement Humain de ce pays est structurellement plus élevé que celui du Niger depuis 1980. En effet, en 1980 alors que l’IDH du Niger n’était qu’à 0,191, celui du Mali était déjà estimé à 0,208. L’écart s’est progressivement creusé entre 1990-2000 où l’IDH du Mali a connu un bond significatif à la faveur notamment des dividendes démocratiques et de la stabilité politique qu’ a connu le pays.

 

L’écart entre les scores des deux pays s’est maintenu entre 2000 et 2010 en l’absence de changement important dans la structure de l’économie nigérienne et dans celle de la population faute de politiques publiques capables d’apporter des réponses appropriées. Ces écarts s’expliquent en particulier par les différences sensibles dans les structures économiques des deux pays ainsi que le niveau nettement supérieur du ratio de dépendance du Niger par rapport à celui du Mali contrairement aux affirmations à la lettre d’interpellation.

 

De même, des différences sont observées en matière d’éducation en particulier pour la durée attendue de l’éducation. Pendant des décennies, peu d’importance a été accordée à l’enseignement secondaire et supérieur et même au cours de la décennie 2000-2010 avec la mise en œuvre du Programme Décennal de Développement de l’Education qui est orienté sur l’accès de l’éducation dans le cycle primaire.

 

Cela a creusé un retard important en matière de nombre d’années d’études au Niger car peu d’enfants dépassaient le cycle primaire et disposaient du niveau requis. Il est, en effet, important de comprendre que la richesse d’un pays ne se mesure pas à l’importance de ses ressources naturelles mais plutôt à la capacité des hommes et des femmes à transformer l’économie et à adapter les offres de services aux besoins de l’économie en témoignent les multiples exemples de réussites des pays comme le Japon, le Singapour ou l’Ile Maurice.

 

Certes, le Mali ne dispose pas encore d’industries pétrolières ou uranifères, mais il convient de relever que ce pays dispose de multiples atouts économiques structurels tels que les ressources financières importantes issues des transferts des migrants, le niveau de développement du secteur financier, la pression fiscale, le développement de l’irrigation dans le secteur agricole, les ressources aurifères et l’environnement des affaires.

 

En outre, des différences sensibles sont relevées dans la structure de la population car le taux de dépendance qui mesure la population adulte prenant en charge une population jeune de 0 à 14 ans est moins importante que celle du Niger (95,5 contre 106). Le taux de croissance démographique du Mali est estimé à 3% alors que celui du Niger atteint un niveau record de 3,9%. Cependant, ces deux pays tout comme ceux de toute la bande du Sahel font face quoi que de manière différenciée à des défis importants en matière de population.

 

En effet, le vécu quotidien des peuples du Sahel se caractérise notamment par l’appauvrissement des terres, la récurrence des cycles de sécheresses alors même que les besoins d’alimentation s’accroissent de manière exponentielle avec le doublement de la population tous les vingt ans.

 

A-t-on aussi besoin d’un rapport sur le développement humain ou d’un rapport sur l’état de la population pour comprendre que le désœuvrement des jeunes sans formation imputable à un ratio de dépendance hors norme est l’une des causes premières des problèmes sécuritaires ?

 

Devons nous rester inactifs et fatalistes en nos qualités de décideurs et d’élus du peuple face à cette situation qui a fait l’objet d’une multitude de conférences, sommets au niveau international et d’engagements politiques depuis des décennies ? Avons-nous le droit de ne pas saisir l’opportunité offerte par la transition démographique qui résulterait de la baisse accélérée de la mortalité suivie de celle de la fécondité qui permettraient d’ouvrir une fenêtre d’opportunité sur le court terme où la population d’adulte active serait supérieure à la population d’inactifs ce qui ouvriraient des gains supplémentaires de productivité, de croissance et d’amélioration de la qualité de vie.

 

 

Pour 100 actifs au Niger on a 106 inactifs. A notre sens, nous avons tous individuellement et collectivement une responsabilité devant l’histoire pour construire une vision commune de long terme pour le devenir de nos populations au delà de débats politiques conjoncturels liés aux agendas électoraux. Il ne s’agit pas à travers cette vision commune de rompre avec nos valeurs culturelles ou de chercher des excuses récurrentes sur les contreperformances éventuelles enregistrées dans un domaine ou dans un autre mais de construire le Niger que nous voulons pour nos enfants, pour nos petits enfants et leurs descendances.

 

Il s’agit aussi pour nous-mêmes, de créer les conditions effectives d’une stabilité sociale et politique. Nous pensons que le Niger pourra mieux tirer profit de ses atouts pour créer une économie dynamique portée par une jeunesse bien formée, compétente et productive à condition de s’engager dans des politiques publiques favorisant l’accélération de la transition démographique et la transition économique.

 

Dans ce cadre, notre Gouvernement a engagé depuis quelques temps les actions pour soutenir le changement structurel et créer les bases durables pour la croissance économique à travers la préparation d’une série de programmes majeurs qui sont articulés autour : du soutien à la mise en œuvre du Programme Sectoriel Education et Formation avec un montant cumulé de l’ordre de 84 millions de dollars ; la contribution à la mise en œuvre d’un programme régional santé d’une enveloppe de 89 millions de dollars ; la contribution à la mise en œuvre d’un programme régional sur le dividende démographique pour un montant de 60 millions de dollars ; la mise en œuvre de plusieurs programmes permettant d’améliorer la compétitivité de l’économie nigérienne.

 

D’ores et déjà les politiques volontaristes engagées par les autorités de la septième république avec l’appui des partenaires notamment le Plan de Développement Economique et Social, la tendance commence à s’inverser de manière sensible à partir de 2011. C’est ainsi que, l’IDH du Mali a enregistré une évolution de 0,02 entre 2011 et 2013 alors que celui du Niger a enregistré un bond de 0,09 points au cours de la même période en dépit des contraintes structurelles relevés. La mise en œuvre de ces programmes et la poursuite des reformes économiques nous permettra d’atteindre des résultats rapides qui conforteront déjà les acquis des trois années précédentes.

 

En effet, avec cette progression de l’IDH du Niger et au regard des multiples perspectives d’investissement nous sommes confiants que l’IDH du Niger va enregistrer un bond significatif d’ici 2016. Pour répondre à la quatrième question relative aux impacts du pétrole dans l’économie nigérienne, je dois dire de prime abord que le parallélisme entre le classement du Niger en tant que producteur de pétrole et son rang dans l’IDH constitue clairement une limite dans la perception de l’IDH car l’indice prend en compte plus que la dimension économique du développement. En effet, si le pétrole devait être la panacée pour l’IDH, on trouverait aux premiers rangs des pays du classement un certain nombre de pays grands producteurs de pétrole reconnus au niveau mondial. Je ne veux pas citer des pays particuliers mais je vous invite à faire l’analyse à travers les différentes tables de l’IDH.

 

Le Niger a en effet démarré sa production de pétrole en 2011, avec une production de moins de 20000 barils par jour mis sur le marché mondial qui produit près de 90 millions de barils par jour. C’est pour dire la place modeste qu’occupe le Niger. Pour l’information, le Tchad produit 90000 à 120 000 barils par jour et le Nigeria produit 2 300 000 barils par jour. De manière directe les effets induits de la production pétrolière du Niger sont les suivants : l’indépendance voire la sécurité énergétique à travers la réduction des importations des produits pétroliers car la consommation du Niger (7000 barils par jour) est largement couverte par la production locale les retombées importantes au profit dans des collectivités territoriales se situant dans la zone de production et de raffinage, l’amélioration de la balance de paiement à travers une économie de devise les opportunités d’amélioration de l’offre énergétique locale avec la possibilité de génération électrique , la substitution progressive du bois énergie par le gaz butane (aujourd’hui l’utilisation du gaz comme source d’énergie pour la cuisson n’est plus considérée comme un luxe en milieu urbain), la baisse significative du prix à la pompe ainsi que la stabilisation des prix contrairement à certains pays de la sous région malgré la montée des prix au niveau mondial. Le prix du litre à la pompe au Niger est resté à 540 FCFA alors que la Côte d’Ivoire qui est pays producteur le prix est de 760 FCFA et le Sénégal le prix est de 886 FCFA.L’Etat a procédé à deux reprises à la réduction des prix ; les activités pétrolières ont généré des centaines d’emplois permanents et temporaires tant au niveau de la SORAZ (où 283 nigériens y travaillent actuellement) qu’à celui des compagnies pétrolières opérant au Niger (CNPC, SIPEX, Sociétés sous-traitants) ; la solvabilité du Niger au niveau des Institutions de crédit et l’accroissement de la mobilisation des ressources extérieures ce qui permet d’engager des projets d’envergures et de grande rentabilité ; la mise en place progressive d’une fiscalité pétrolière en amont et en aval de la chaîne des valeurs. Si il est relativement aisé d’évaluer les résultats financiers de la contribution du secteur pétrolier, il est en revanche plus difficile d’appréhender les impacts de l’exploitation des ressources pétrolières sur le bien être de la population car les impacts sont des résultats à long terme. Nonobstant cela, l’on peut relever que l’exploitation du pétrole contribue au bien être de la population sur plusieurs aspects. D’abord à travers les moyens financiers mis à la disposition du budget national, contribuant ainsi au financement des actions de développement (routes, hydraulique, santé, sécurité, éducation, agriculture, élevage, etc.).
En ce qui concerne les recettes pétrolières, les Honorables députés ont certainement constaté depuis la loi de finances 2012 que les contributions cumulées du sous secteur sont passées de 92 milliards en 2012, à 186 milliards en 2013. Les recettes attendues en fin d’années 2014 sont de l’ordre de 80 milliards de FCFA. Ces ressources internes sont bien comptabilisées dans le budget national et utilisées dans les dépenses dans les secteurs prioritaires. Au niveau macro-économique, il est utile d’ajouter que le démarrage de la production de pétrole a contribué à l’augmentation de la valeur ajouté du secteur secondaire ce qui a permis de booster la croissance en 2012 mais aussi d’atténuer sensiblement le choc de la sécheresse en 2013.

 

Le cas de l’année 2013 est assez illustratif du changement de la structure de l’économie car c’est une des rares fois que la chute de la production agricole imputable aux sécheresses n’a pas entrainé une croissance du PIB négative bien au contraire l’économie du Niger a résisté non seulement à ce choc mais aussi à l’arrêt de la production des usines de SOMAIR et de COMMINAK. Le revenu par habitant est passé de 822 dollars à 873 dollars comme nous l’avons indiqué plus haut. Bien entendu, les retombées du pétrole s’amplifieront à partir de 2015-2016 avec l’augmentation attendue de la production et les investissements dans les secteurs sociaux ne pourront que s’accroitre en conséquence.

 

Avec cette progression de l’IDH du Niger et au regard des multiples perspectives d’investissement nous sommes confiants que l’IDH du Niger va enregistrer un bond significatif.
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale Honorables députés

 

Je voudrais conclure cette allocution avec l’appréciation du rang du Niger dans le classement 2014 de l’Indice de Développement Humain. Je pense que la présentation que nous venons de faire permet de retenir un certain nombre d’éléments fondamentaux : l’IDH est un indicateur international produit par des experts indépendants utilisant aussi des sources indépendantes.

 

Il comporte certaines limites importantes qui nécessitent des lectures avisés et complémentaires pour appréhender les réalités aussi complexes que le développement humain. Le plus important n’est pas le classement mais l’analyse des politiques et le plaidoyer pour améliorer les situations des individus car c’est l’homme qui est au centre du développement ;

 

Le Gouvernement assume le classement même si le score constitue l’héritage du Niger depuis son indépendance. Nous tenons à rappeler que des progrès importants sont réalisés par le Niger dans les différents domaines et méritent d’être soulignés et capitalisés.

 

Dans aucune dimension de l’IDH, le Niger n’est dernier mais l’utilisation d’une moyenne géométrique des sous indices entraine un classement qui peut susciter des frustrations et des questions légitimes. Dans de nombreux secteurs, le Niger enregistre des performances notoires et fait preuve de référence au niveau international ; De nombreuses initiatives sont en cours à travers le Programme du Gouvernement pour la période 2013-2015.

Des grands chantiers sont ouverts dans le domaine des infrastructures notamment le désenclavement effectif à travers la réalisation du rêve du chemin de fer, l’indépendance énergétique, l’irrigation de milliers d’ha et le développement du pastoralisme dans le cadre de l’initiative 3N, la mise en œuvre du Programme Sectoriel Education, d’un vaste programme Santé et d’un Programme pour assurer le dividende démographique ;

 

Le résultat des rapports mondiaux de développement humain doit interpeller l’ensemble de la communauté nationale et internationale afin qu’un consensus général puisse se dégager autour des questions essentielles portant sur l’avenir du pays. Ce consensus doit transcender les clivages politiques pour définir une vision sur le long terme pour les générations futures.

 

En cela, la Stratégie de Développement et de Croissance Inclusive Niger 2035 constitue un tremplin pour construire des scénarios ambitieux permettant de mobiliser l’ensemble des énergies autour d’un idéal commun. Telles sont Monsieur le Président, Honorables Députés, mesdames et messieurs, les réponses aux questions posées par les députés Bakary Seidou et Tidjani AbdoulKadri portant sur le rapport sur le développement humain 2014. Nous restons à votre disposition des éventuelles questions, et réitérons nos remerciements pour nous avoir donné une fois de plus l’occasion d’intervenir devant cette auguste Assemblée sur une thématique aussi importante que le développement humain.Je vous remercie de votre attention
ONEP

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