Rien ne va plus à l’Assemblée nationale du Niger. L’institution est bloquée. Le jeudi 17 Avril 2014, les parlementaires étaient en plénière pour le renouvellement annuel de leur bureau conformément à la loi. Tout s’est très bien déroulé pendant l’élection des 1er, 4ème et 5ème Vice-présidents.
Ça s’est bien passé pour la simple raison que ces postes reviennent de droit à des militants de la majorité comme le stipule l’article 89 de la constitution qui dit : « l’Assemblée nationale est dirigée par un président assisté d’un Bureau. La composition du Bureau doit refléter la configuration politique de l’Assemblée nationale. Le président est élu pour la durée de la législature et les autres membres du Bureau le sont chaque année, conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale. »
Le bureau de l’Assemblée doit refléter la configuration politique de l’Assemblée veut tout simplement dire que la première Vice-présidence revient au parti ayant le plus grand nombre de députés, la deuxième Vice-présidence au parti qui le suit et ainsi de suite jusqu’au nombre de groupes parlementaires que compte l’Assemblée.
C’est donc sans aucune résistance à cette disposition constitutionnelle que les députés membres des groupes parlementaires de l’opposition ont voté en faveur des candidats de la majorité. Les choses vont se compliquer au moment du vote des deuxième et troisième Vice-présidents du bureau. Des postes revenant légitimement et légalement à l’opposition en l’occurrence les groupes parlementaires ARN et Lumana.
La majorité va voter contre l’élection de ces Vice-présidents avec 69 voix. Ces postes n’ont donc pu être pourvus et cela, pendant 3 jours de débats et autres conciliabules. Ce qui a bloqué les travaux du parlement en session dite des lois depuis mars dernier.
Finalement le président de l’Assemblée nationale va convoquer une réunion de la conférence des présidents pour chercher une issue de sortie de crise. Selon des échos qui nous sont parvenus, la majorité explique son attitude de blocage institutionnel délibéré par son soutien aux dissidents des partis politiques de l’opposition qui sont avec le gouvernement.
La Mouvance pour la renaissance du Niger (MRN) reproche aux groupes parlementaires de l’Alliance pour la réconciliation, la démocratie et la république (ARDR) de n’avoir pas associé des députés dissidents de ses partis membres dans le choix de ceux devant occuper les postes victimes de blocage.
Officiellement, la MRN dit refuser de voter Oui, parce que ce sont des candidatures uniques qui sont présentées. Elle exige de l’opposition que cette dernière présente plusieurs candidats afin qu’elle (la MRN) puisse choisir celui qui lui convient. Pourtant, concernant les Vice-présidences revenant à la majorité, la MRN a aussi présenté des candidats uniques.
En d’autres termes, la majorité reproche à l’opposition de faire comme elle. Mais officieusement, la MRN explique son choix de bloquer l’institution parlementaire par une sorte de soutien moral aux dissidents du MNSD-Nassara principalement mais aussi du MODEN FA dans une certaine mesure. En réalité, il est apparu que les députés dissidents sont devenus ce qu’on appelle chez nous « Koro kan dana gandji » autrement dit : « une hyène devenue aveugle en pleine brousse ».
Si elle y reste, ses pairs la boufferont avec gourmandise et si elle se hasarde à venir en ville, les éleveurs vont lui régler son compte. La majorité ne peut pas donner ses postes aux dissidents qui du reste ne font pas partie de ses groupes parlementaires et elle sait pertinemment que l’opposition ne donnera pas les siens à des individus l’ayant abandonnée.
Alors, la MRN décide de faire du cinéma. Bloquer la deuxième institution de la République pendant près d’une semaine pour faire plaisir à des dissidents, comme pour dire en guise de consolation: « Vous avez vu, on ne peut rien faire mais alors que 17 millions de Nigériens attendent que les députés votent des lois pour leur bien être, nous, on a bloqué ce travail rien à cause de vous ».
Pour revenir à la réunion des présidents ci-haut évoquée, la MRN aurait demandé à l’opposition de « discuter » avec les dissidents sur l’élection des deuxième et troisième Vice-président pour qu’elle lève son veto. Chose que l’ARDR a refusé naturellement. Enfin, nous apprenons que la majorité a décidé de mettre de l’eau dans son vin en se disant disposé à lever le blocus sur les travaux de l’Assemblée nationale dès ce mardi. Chose qui n’est pas évidente car avec le Guri system, la parole donnée n’est qu’une simple manière de tromper la vigilance de l’autre.
Cela, d’autant plus que certains analystes voient en ce blocage institutionnel une façon de donner au Président de la République le bon prétexte pour dissoudre l’Assemblée nationale. Là aussi, le problème se pose au niveau des dissidents. Ils sont sûrs de ne pas revenir à l’hémicycle en cas d’élections législatives anticipées.
Dans lequel cas, ce sera leur mort politique. Donc ils ne sont pas d’accord avec une dissolution de l’Assemblée. D’autre part, certains guristes pensent que c’est la meilleure formule pour se débarrasser de ces dissidents devenus trop encombrants pour le président Issoufou. Ils défient la justice, ils provoquent l’opposition et par-dessus tout ils narguent les caciques du PNDS-Tarayya, le parti au pouvoir.
C’est alors de bonne guerre que certains proches du régime souhaitent que le Président de la République saisisse l’opportunité pour renvoyer les dissidents d’où ils viennent, c’est-à-dire, dans les petitesses politiques. Il est possible que le président Issoufou finisse par se convaincre de la nécessité de dissoudre le parlement. Ce d’autant plus que l’opposition a décidé de contre-attaquer à son tour.
Selon nos sources, un groupe de députés aurait déjà rédigé une proposition de modification de la procédure de mise en accusation du Président de la République. Cela, semble-t-il, irrite beaucoup la majorité puisqu’elle n’a aucune idée du travail en souterrain que l’opposition a fait avant d’en arriver là.
Donc, la MRN ne sait pas de quoi demain sera fait. Même si, le grand défenseur du Tazartché, Mohamed Ben Omar a, au cours d’une conférence de presse samedi dernier, tenté de faire croire que la majorité dispose de plus des 76 voix nécessaires pour débarquer Hama Amadou. Il faut le dire, Ben Omar défend sa présidence de l’Assemblée nationale. Chose qui lui aurait été promise s’il se lançait comme au temps du Tazartché dans la défense aveugle du Guri system.
Mauvaise nouvelle pour monsieur Ben, nos sources nous rapportent qu’à l’issue d’une réunion restreinte tenue à la Présidence de la République en fin de semaine dernière, il aurait été décidé de remplacer Hama Amadou par Amadou Salah dans le cas où la motion de défiance passerait. Monsieur Ben Omar, aurait été jugé et en haut lieu « non fiable » pour exercer une telle fonction pour le bien du Guri system et du président Issoufou.
L’un dans l’autre, tout se jouera demain mardi.
Si la majorité lève son blocus sur la deuxième institution de la République, les dégâts seront justes le temps perdu et qui ne se rattrapera jamais avec en toile de fond l’argent du contribuable parti en fumée à travers les indemnités payées aux députés nationaux sans qu’ils puissent véritablement travailler. Au pire des cas, le blocage va continuer et le Président de la République pourrait alors dissoudre le parlement. Autant dire, un véritable saut politique dans l’inconnue la plus totale.
Ibrahim YERO