Touareg et loyaliste, le colonel-major Ag Gamou a réussi à échapper aux rebelles, après avoir feint, le 31 mars, de rallier les combattants du MNLA.
Alors que Kidal et Gao tombaient entre les mains de ces derniers et d’Ansar Dine, il a fait en sorte que ses hommes originaires du Sud soient exfiltrés vers Bamako, via le Niger et le Burkina, avant d’indiquer qu’il restait fidèle à l’État malien. Grâce au témoignage exclusif d’un de ses proche, Jeune Afrique a pu reconstituer le film des événements.
« Nous étions 504 hommes armés, 300 tamasheqs et 204 originaires du Sud. Depuis le 23 mars, à Kidal, les rebelles touaregs du MNLA [Mouvement nationale de libération de l’Azawad, NDLR] et le groupe islamiste Ansar Dine d’Iyad Ag Ghali nous encerclaient », raconte un militaire proche du colonel-major Elhadji Ag Gamou, qui a réussi rejoindre Bamako le 6 avril dernier. « Le MNLA voulait que Ag Gamou regagne les rangs des rebelles, et Ag Ghali voulait carrément sa tête, pour avoir fouillé les maisons de familles Ifoghas – tribu qui fournit la plupart des combattants d’Ansar Dine – et surtout avoir contraint le fils du puissant Amanokal de Kidal, Installa Ag Attaher, à quitter la ville en février. »
Après une première attaque repoussée, le jeudi 29 mars, la milice touarègue d’Ag Gamou commence à se clairsemer. Les combattants venus de Libye, notamment, font défection les premiers pour rejoindre l’ennemi : ils espéraient au début une intégration à l’armée malienne, chose devenue illusoire depuis le coup d’État contre Amadou Toumani Touré (ATT), le 22 mars.
Fatigués et démoralisés
Les hommes restés fidèles à Ag Gamou perdent le moral. Après l’attaque du 29, « nous étions fatigués, car nous avons passé la journée à repousser les rebelles et veillé toute la nuit suivante pour ne pas être surpris par une attaque. Aux environs de 7 heures du matin, certains parmi nous ont commencé à dormir, mais une heure plus tard, les premiers tirs des rebelles ont retenti du côté est de la ville. Nous n’avions plus envie de combattre », poursuit notre interlocuteur.
Ag Gamou compose alors le numéro du colonel Assaleth Ag Khabi du MNLA, qui occupe la sortie sud de la ville, pour lui dire qu’il accepte son offre de rallier le MNLA en échange d’une protection contre Ansar Dine. « Nous sommes sortis de la ville à bord de nos BM21, BRDM et de plusieurs dizaines de 4X4 Toyota, en direction de Gao. Le lendemain, 31 mars, jour de la chute de Gao, nous étions à 150 km au sud de Kidal, lorsque plusieurs dizaines de voitures des combattants du MNLA, commandées par le même colonel Assaleth Ag Khabi, nous ont encerclés. Celui-ci a dit à Ag Gamou que pour circuler librement sur le territoire de l’Azawad, il devait faire officiellement allégeance au MNLA et désarmer ses militaires originaires du sud. C’est ainsi que l’idée d’appeler RFI est venue ».
La fausse déclaration à RFI
En début de soirée, le colonel-major réussit à faire passer son message – une fausse déclaration de ralliement au MNLA – à la radio internationale. Puis les 204 militaires « sudistes » sont désarmés. Mais quand Ag Khabi demande que ceux-ci lui soient livrés comme prisonniers de guerre, Ag Gamou refuse. « Ces militaires sont désormais mes otages », rétorque-t-il. Le lendemain, les hommes du colonel-major continuent leur route en direction du Niger.
À 100 km de la frontière, Ag Gamou appelle le consul du Mali au Niger avec son téléphone satellitaire et lui demande de se préparer à l’arrivée de ses hommes pour qu’ils soient rapatriés vers Bamako, via le Burkina. Puis il prend congé de ses soldats originaires du sud, restant avec sa milice touarègue. « Depuis ce jour, je n’ai plus de nouvelles du Ag Gamou, mais je sais que tout ce qu’il a fait état pour sauver sa vie et les nôtres, car nous n’étions plus en état de combattre et lui était menacé par Ansar Dine qui ne l’aurait pas pris vivant », conclut notre source. En début de semaine, le colonel-major Ag Gamou a indiqué que son allégeance au MNLA sur RFI était une manœuvre pour s’enfuir et qu’il était désormais disposé à reprendre les combats contre les rebelles touaregs au côté de l’armée malienne.
Jeune Afrique