Amnesty International avait de son côté dénoncé des « arrestations arbitraires » et des expulsions massives « illégales » d’Africains de l’Ouest et assuré que certains avaient des visas valides.
Parmi les expulsés figurent aussi des Guinéens, Burkinabè, Béninois, Maliens, Ivoiriens, Sénégalais, Nigérians, Libériens, Camerounais ou Sierra-Léonais, selon Amnesty.
La Cimade, partenaire depuis de nombreuse année avec Alternative Espace Citoyen (AEC) dans le cadre du collectif Loujna Tounkaranké, est aujourd’hui co signataire d’une lettre à destination des représentations diplomatiques accréditées au Niger afin de demander la libération immédiate des défenseurs des droits humains détenues ces dernières semaines, notamment celles de […]
La Cimade, partenaire depuis de nombreuse année avec Alternative Espace Citoyen (AEC) dans le cadre du collectif Loujna Tounkaranké, est aujourd’hui co signataire d’une lettre à destination des représentations diplomatiques accréditées au Niger afin de demander la libération immédiate des défenseurs des droits humains détenues ces dernières semaines, notamment celles de nos collègues d’AEC.
Madame, Monsieur,
Nous, organisations de la société civile locale et internationale, tenons à exprimer notre profonde préoccupation concernant l’arrestation de défenseurs de droits humains nigériens par les forces de sécurité le dimanche 25 mars et leur placement sous mandat de dépôt décidé par le doyen des juges d’instruction de Niamey le mardi 27 mars. Nous nous inquiétons également pour les défenseurs initialement placés en garde à vue puis sous mandat de dépôt suite à la nouvelle vague d’arrestations qui a eu lieu le 15 avril.
Nous souhaitons que par votre voix votre gouvernement, en synergie avec les autres représentations diplomatiques présentes au Niger, dénonce fermement cette répression sans précédent des libertés fondamentales par les autorités en place. Porter les valeurs de la démocratie, en accord avec les ambitions que se donne votre gouvernement, implique de condamner l’érosion de l’Etat de droit au Niger et d’intervenir auprès des autorités pour réclamer la libération immédiate et sans condition de tous les défenseurs des droits humains détenus à la suite de manifestations.
Les arrestations sont intervenues en lien avec des manifestations non-autorisées qui avaient pour but de protester contre la loi de finances 2018 adoptée en novembre 2017 par le Parlement nigérien. Les autorités nigériennes avaient interdit les marches pacifiques en invoquant des risques infondés de sécurité.
Depuis plusieurs mois, les organisations de la société civile réunies au sein d’un Cadre de concertation organisent des manifestations publiques pacifiques dites journées d’action citoyenne (JAC) contre la nouvelle loi de finances. Selon les organisations de la société civile, cette loi augmenterait les risques de corruption ainsi que le coût de la vie pour les plus démunis, notamment en raison de nouvelles taxes sur l’habitation et l’électricité et de la réforme de l’impôt sur le revenu.
Tenant à exercer leur droit garanti par la Constitution du 25 novembre 2010 en son article 32, des manifestants ont bravé l’interdiction des marches pacifiques. La police a alors lancé des grenades lacrymogènes pour les disperser.
Le 25 mars, 23 personnes ont été arrêtées, certaines aux sièges d’organisations de la société civile, et d’autres au cours de la manifestation. Parmi les acteurs interpellés, on compte Ali IDRISSA NANI, coordinateur du ROTAB (Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire) et membre du Conseil d’administration de Publiez Ce Que Vous Payez, Nouhou ARZIKA président du MPCR (Mouvement Patriotique pour la Promotion d’une Citoyenneté Responsable), Moussa TCHANGARI, Secrétaire général d’Alternative Espace Citoyens et Me. Lirwana ABDOURAHMANE ainsi que 19 autres personnes.
Bien que les défenseurs des droits humains n’aient pas participé à la marche, le 27 mars le tribunal de Grande Instance de Niamey a inculpé les quatre défenseurs des droits humains d’organisation et de participation à une manifestation interdite, de complicité d’acte de violence, d’agression et de destructions de biens publics. Ils ont été transférés dans différentes prisons du territoire nigérien, souvent loin de leurs familles.
Par ailleurs, la chaîne de télévision gérée par le groupe de presse Labari a été fermée par les forces de sécurité qui sont entrées dans les locaux sans présenter de mandat ni de notification écrite du Conseil supérieur de la communication. En date du 28 mars, le Tribunal de Grande Instance de Niamey a ordonné l’ouverture de la radio et télévision Labari et a qualifié la fermeture et l’interdiction d’accès aux locaux du Groupe par l’État nigérien – sans aucune base légale – de trouble illicite.
Malgré ces intimidations de la part des autorités, les acteurs de la société civile au Niger continuent de se mobiliser pour dénoncer les travers de la loi de finances. A la suite d’une autre marche organisée, le 15 avril 2018, trois leaders de la société civile ont eux aussi été arrêtés – Maikoul ZODI président du Mouvement des jeunes républicains (MJR) et Coordonnateur de la Campagne Tournons la Page au Niger, Abdourahamane Idé HASSANE Président de Jeunesse pour une Mentalité Nouvelle et Ibrahim DIORI, Chargé de plaidoyer d’Alternative Espace Citoyens – au motif du chef d’inculpation de « participation à une manifestation interdite et dégradation des biens publics ». Le 19 avril, le Tribunal de Grande Instance de Niamey a placé Maikoul ZODI et Ibrahim DIORI sous mandat de dépôt tandis que Abdourahamane Idé HASSANE a pu bénéficier d’une mise en liberté provisoire. Ces nouvelles arrestations traduisent une volonté affichée du pouvoir nigérien de ne laisser place à aucune contestation possible sur la loi de finances 2018 et un fort rétrécissement de l’espace civique.
La fermeture du groupe de presse Labari, l’arrestation massive de membres de la société civile et de l’opposition dénonçant la loi des Finances 2018 et leur envoi en prison marquent une nouvelle étape dans la dérive autoritaire du gouvernement nigérien. Déjà constatée avec inquiétude en 2017 par l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives, La norme mondiale pour la bonne gestion des ressources pétrolières, gazières et minières, cette dérive exige désormais une réaction forte de la part de votre gouvernement.
Nous vous exhortons à rappeler aux autorités nigériennes leur devoir de respecter les libertés fondamentales et les interpeller afin que toutes les charges contre les défenseurs des droits humains arrêtés les 25 mars et 15 avril soient abandonnées et qu’ils soient libérés immédiatement et sans condition.
Il est par ailleurs essentiel d’interpeller les autorités nigériennes de cesser toute intimidation à l’encontre des voix dissidentes, y compris le harcèlement judiciaire, et de garantir qu’en toutes circonstances des organisations de la société civile puissent mener à bien leurs activités légitimes en faveur des droits humains et de la promotion d’une gestion transparente et responsable des finances publiques profitable aux populations les plus démunies. Un premier pas dans cette direction serait d’exhorter le gouvernement du Niger à entamer un dialogue constructif avec les organisations de la société civile sur le droit de manifester concernant toute question d’intérêt national.
Liste des organisations signataires :
. Amnesty International
. The Article 20 Network
. Association for Human Rights in Ethiopia (AHRE)
. Caucasus Civil Initiatives Center (CCIC)
. La Cimade
. CIVICUS
. Front Line Defenders
. Publish What You Pay
. Robert F. Kennedy Human Rights
. Secours Catholique Caritas France
. Tournons La Page
. West Africa Civil Society Institute (WACSI)
. Réseau Ouest Africain des Défenseurs des Droits Humains (WAHRDN)