Tu as reçu les opposants politiques du Mali, du Niger et du Burkina Faso, nous recevons à notre tour Guillaume Soro. Œil pour œil, dent pour dent.
Les médias et les réseaux sociaux se sont enflammés suite aux déclarations récentes du Président ivoirien Allassane Ouattara relativement à la nouvelle donne politique que connaît le Niger depuis les événements du 26 juillet 2023.
Le renversement du régime de Bazoum Mohamed par le CNSP avait retenu l’attention de la communauté internationale et suscité des condamnations tous azimuts. La plus virulente viendra de la CEDEAO et de l’UEMOA qui, contrairement à ses propres textes, ont adopté à l’encontre du Niger des sanctions cyniques, illégales et inhumaines.
Les hommes de droit, les plus avertis, ont fait la démonstration de l’illégalité de ces sanctions au cours desquelles la CEDEAO envisageait également une intervention militaire au Niger pour réinstaller sur le fauteuil présidentiel Bazoum Mohamed, le soi-disant « démocratiquement élu ».
Au départ d’une telle prise de position radicale, quatre chefs d’États des pays membres de la CEDEAO sur les quinze que compte l’organisation communautaire, se sont montrés intransigeants, donc décidés à engager des troupes militaires pour mener la guerre contre le Niger et son peuple.
Il s’agit de Tinubu du Nigéria, Maky Sall du Sénégal, Allassane Ouattara de la Côte D’Ivoire et Talon du Bénin. Sous la pression du Sénat et des populations du nord, le Président de la République Fédérale du Nigéria, Président en exercice de la CEDEAO, renoncera à l’éventualité d’une probable intervention militaire au Niger.
En réalité, eux tous agissaient aux injonctions de la France de Macron qui considérait que le coup d’État intervenu au Niger est le revers de trop qu’elle ne saurait tolérée, a fortiori acceptée. Le Président ivoirien s’est même auto-proclamé chef de guerre et piaffe d’impatience de voir le Niger sombrer et s’embraser dans une guerre aux allures punitives.
Qu’est-ce qui explique alors le renoncement à la tragédie que son maître Emmanuel Macron projetait pour le Niger et son peuple ?
Notons d’abord l’impact des contestations externes. Le renversement du régime intervenu au Niger est le quatrième du genre en Afrique de l’Ouest. L’on peut citer ceux de la Guinée-Conakry, du Mali et du Burkina Faso. Puis, patatras ! Après celui du Niger, le Gabon entre dans le jeu, mais le nouveau régime comme celui de Déby fils, sont cuirassés par la France de Macron.
L’ambassadeur de France au Gabon s’empressera même à rencontrer les nouvelles autorités militaires du Gabon pour leur signifier en filigrane le soutien de Paris.
Au Tchad, c’est le Président français Emmanuel Macron qui se rendra personnellement à N‘Djamena, afin d’adouber le couronnement monarchique de Kaka Idriss Déby qui vient de succéder illégalement à son père. Par cet acte, Paris dit clairement qu’il y a des bons coups d’États, il y en a aussi des mauvais.
Les mauvais sont ceux qui se font dans le dos de Paris et les bons, ceux qui se font dans l’intérêt de l’impérialisme français. Ce paradoxe de deux poids/deux mesures a suscité l’indignation de la communauté internationale qui arrive à la conclusion selon laquelle la France de Macron a de la peine à se débarrasser de son instinct esclavagiste, de sa pulsion coloniale et de sa forte libido néocoloniale que lui provoque en permanence l’exotisme nègre.
Son penchant pour ces désirs à haute intensité perverse et xénophobe a irrité le monde entier. Le refus de Macron de reconnaître les nouvelles autorités du Niger, les décisions prises à l ‘encontre de la France, entre autres, le retrait de ses troupes militaires stationnées au Niger dix ans durant, la dénonciation des accords de défense liant les deux pays, le renvoi de son ambassadeur décrété persona no gratta au Niger, illustrent bien le mépris de la France de Macron à l’égard du peuple souverain du Niger.
La petite dame de la diplomatie frelatée, Catherine Colonna, ministre française en charge de l’Europe et de la coopération prédit même l’apocalypse au peuple nigérien, car disait-elle : « …le gouvernement français fera tout pour faire échouer la transition au Niger…le pays risque en outre une guerre civile…ce pays sera déstabilisé, car il sera envahi par des terroristes ou une horde de rébellions armées…le Niger sera affecté alors par une famine généralisée… ».
Tel est l’esprit de son exposé devant le Sénat qui l’a auditionné sur la situation politique qui prévaut au Niger. Tel est également le sort que le gouvernement de Macron envisagerait pour régler ses comptes et se venger de cette nouvelle humiliation sur la scène internationale.
Comme si cela ne suffisait pas, dès l’annonce du coup d’État, Macron tiendra sur le cas du Niger un conseil de défense. La mauvaise grille de lecture de la France de Macron de l’intelligence des situations géopolitique et géostratégique ainsi que le désir des peuples de ses ex-colonies de s’affranchir de tout asservissement, de toute emprise extérieure, semblent être des fantasmes de négros. Quelle erreur fatale de jugement !
La succession de ces maladresses envers ses ex-colonies a fini par ridiculiser et fragiliser la politique africaine de la France. C’est ainsi qu’elle se voit petit à petit isoler par ses différents partenaires de l’Europe et des Etats-Unis.
Son entêtement dans son refus de percevoir l’implémentation de la nouvelle mentalité africaine a fini par l’isoler de la scène internationale et développer un profond sentiment anti-français.
Ses partenaires de la CEDEAO sont décriés de partout, à l’interne comme à l’externe, perçus dorénavant comme des traîtres à l’égard de l’émergence du panafricanisme, des apatrides et des domestiques au service de l’impérialisme français.
Leurs populations respectives montent au créneau pour se désolidariser du va-t’en guerre parrainé par des gouvernants à la solde de la France. Les bruits de bottes se font entendre de plus en plus dans les casernes. Les hommes politiques sortent de leur silence et se prononcent ouvertement contre la vassalité et l’inféodation des organisations communautaires et de certains chefs d’États des pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA.
Au demeurant, la 78ème assemblée générale des Nations Unies mettra à nu les travers de la politique africaine de la France de Macron. Le Burkina Faso, la Guinée Conakry et le Mali ne passeront par le dos de la cuillère pour étaler au grand jour les inconséquences de la gouvernance néocoloniale de la France de Macron.
Le rapport tout récent de deux parlementaires français sur la politique de la France en Afrique, les députés Bruno Fuchs et Michèle Tabarot, abonde dans le même sens et jette des pistes de réflexion dans la perspective de refonder les relations entre la France et ses ex-colonies. En effet, les deux rapporteurs ont indexé l’incohérence du discours français à l’égard des États africains. Cette phrase du rapport résume en elle seule cette incohérence : « …Macron n’a pas pu enterrer l’image d’une France alliée des régimes autoritaires… ».
Ensuite, il faut relever les contestations internes qui découlent des situations politiques ainsi créées. …Macron n’a pas pu enterrer l’image d’une France alliée des régimes autoritaires… ».
Rien que ce constat fait par lesdits parlementaires ne condamne-t-il pas la France de Macron à ses dépens. Suffisant aussi pour un réveil tardif, mais brutal d’une jeunesse africaine assoiffée de liberté et désireuse de s’affranchir définitivement d’un joug néocolonial pesant.
Les régimes autoritaires ne pouvant pas être vaincus par la rue, car ayant le monopole d’assassiner, d’emprisonner, de condamner les opposants politiques à l’exil, et ce, impunément, à l’armée donc de faire le job pour libérer le peuple de l’emprise assassine de ses bourreaux. La France de Macron étant complice, elle est restée aveugle, insidieuse et sourde face aux actions terroristes de ses protégés soi-disant « démocratiquement élus ».
La non-ingérence s’applique pour elle dans ce cas de figure. Quand ses intérêts sont menacés à travers l’éviction du pouvoir de ses valets, tout respect du droit international décrétant la non-ingérence devient alors caduc.
Les conventions internationales sont alors devenues des instruments de répression, la loi du plus fort étant la meilleure au regard des cas d’école que nous offre le contexte mondial. Face à de telles injustices, il faudrait bien que quelqu’un fasse le job.
Au Mali, l’armée a fait le job. Au Burkina Faso, l’armée a aussi fait le job. Dans ces deux pays, ils se sont débarrassés des troupes militaires françaises installées dix ans durant sur leurs territoires respectifs au nom de la lutte contre le terrorisme. Un terrorisme qui s’est plutôt amplifié, laissant croire que la France n’est pas la solution, mais le problème.
La preuve, deux ans après avoir chassé les troupes françaises du Mali, Kidal vient d’être libéré de l’emprise de la France et de ses supplétifs de la CMA.
Les troupes militaires françaises chassées par les peuples frères du Burkina Faso et du Mali retrouveront refuge au Niger, en faisant face aux hostilités des populations nigériennes.
Des manifestants seront sauvagement assassinés et d’autres gravement blessés par l’armée française à Téra qui a tiré à balles réelles sur la foule. Mort dans l’âme, le peuple souverain qui a épuisé toutes ses cartouches démocratiques de lutte pour les libertés individuelle et collective finira par se résigner, en observant impuissant la tyrannie se propager et qui risque de précipiter le pays dans un abîme aux conséquences dévastatrices pouvant même menacer la cohésion nationale.
L’armée étant la seule force organisée pouvant stopper la descente aux enfers du pays, elle fera à son tour le job, à travers l’avènement au pouvoir du CNSP. La prise de pouvoir sans effusion de sang est perçue par les vingt-six millions de Nigériens comme une délivrance, d’où leur sursaut patriotique pour soutenir et accompagner le CNSP dans sa volonté de refondation des institutions de la République.
La France sera chassée de nouveau du Niger à la demande du peuple souverain. Le CNSP fait donc bloc derrière son peuple qui manifestera et qui continue de manifester publiquement son hostilité à l’encontre de la politique africaine de la France. La France de Macron finit par accepter de quitter le Niger et le processus suit son cours à la grande satisfaction du CNSP et du peuple souverain du Niger.
Cet autre revers a dû faire réfléchir le Président ivoirien décidé à se résoudre à l’évidence. En plus, Guillaume Soro qu’il n’a cessé de traquer à mort, aurait fini par s’exiler au Mali, pays frontalier de la Côte D’Ivoire, tout en rendant ses civilités aux autorités des pays membres de l’AES au cours des visites de courtoisie qu’il a entreprises au Burkina Faso et au Niger. Il connaît les grandes capacités de nuisance et les compétences guerrières de cet ex-chef rebelle qui a activement participé à son avènement au pouvoir au prix de milliers de morts. Il se pourrait qu’il soit paniqué. Vaut mieux donc chercher la paix pour sauver sa peau et celle de son régime.
Mais, ce n’est assurément pas la seule raison. Le vieux renard, tout comme son maître Emmanuel Macron, ont plusieurs cordes à leurs arcs. La création de l’AES qui les a surpris a dû nécessiter la prise en compte d’une nouvelle donne.
Logiquement, une intervention militaire ciblée sur le Niger ne pourra plus être à l’ordre du jour, car impossible à faire prospérer. Du reste, le Mali et le Burkina Faso ont clairement déclaré que toute attaque contre le Niger s’apparente à une déclaration de guerre. Ils sont rejoints dans cette posture par la Russie. Par ailleurs, plusieurs pays d’Europe notamment, ont affiché leur désaccord à toute intervention militaire au Niger. Il faut donc changer de stratégie.
Pour conclure, je vous invite à méditer sur cette citation tirée des poubelles de l’histoire :
« En 1907, Campbel Bennerman, à l’époque Premier Ministre britannique, avait fait un rapport tenu dans le secret absolu jusqu’à tout récemment. Ce rapport stipule : les peuples arabo-musulmans qui contrôlent des vastes territoires riches en ressources connues ou cachées, au carrefour des routes du commerce mondial, constituent une menace pour l’Europe et un obstacle à son expansion…ils peuvent, s’ils le veulent, se constituer en un seul Etat qui pourrait devenir une superpuissance mondiale. Si l’on considère les choses sérieusement, un corps étranger devrait être implanté au cœur de cette nation, afin de l’empêcher de s’unir, de telle sorte qu’elle soit amenée à épuiser ses forces dans des guerres sans fin… ».
Toute analyse faite, les trois pays de l’AES pourraient être l’objet de déstabilisation simultanée. Aux autorités de ces pays de ne jamais baisser la garde. Un problème bien posé et su à l’avance est une redoutable arme qui déjouera les plans les plus cyniques de l’adversaire et conduira inéluctablement à son échec.
Les ennemis échoueront lamentablement. Rien ne peut résister à la volonté d’un peuple épris de paix, solidaire, convaincu que seule l’union sacrée fait la force. Il mènera par conséquent ce dernier combat pour la conquête de l’indépendance vraie et de la souveraineté.
Salou Gobi, Journaliste- Écrivain et Professionnel de la communication.