La petite monarchie du Golfe a beau prétendre que rien n’est fait et qu’« aucune décision n’a été prise », la controverse enfle aux États-Unis tant du côté de l’armée et de la sécurité intérieure que des alliés du président américain. L’affaire est devenue un vrai scandale politique. Et pose trois problèmes majeurs
L’affaire remonte à dimanche 11 mai 2025, le jour où la télévision américaine ABC News a annoncé cette information ébouriffante : le gouvernement Trump se préparerait à recevoir un avion comme cadeau de la famille royale du Qatar. Un présent à près de 400 millions d’euros pour un Boeing 747-8 Jumbo qui servirait d’Air Force One, l’avion présidentiel, surnommé le « Palais dans le ciel » que Donald Trump a accueilli avec grâce. Selon lui, il serait « idiot » de ne pas accepter et qu’il s’agit d’un « beau geste » de la part du Qatar, où le Président se trouve en visite aujourd’hui, mercredi 14 mai 2025.
« Pour deux ans »
L’avion servirait « pour environ deux ans », en attendant que Boeing livre les deux avions devant remplacer les deux actuels Air Force One . L’entreprise aéronautique accumule depuis 2018 les scandales et les retards, ce qui porte sur les nerfs de Donald Trump qui a fini par visiter le 747 du Qatar en février, en Floride. Après la fin de son mandat, l’avion serait donné à son musée présidentiel.
Aucune transaction ne devrait avoir lieu à Doha ce mercredi, contrairement à ce qui avait d’abord été envisagé. Les Qataris ont répliqué aux réactions outrées des opposants à Donald Trump et aux doutes des constitutionnalistes américains qu’il est « inexact de parler de cadeau au gouvernement américain car aucune décision n’a été prise et le transfert de cet avion est à l’étude entre le ministère de la Défense du Qatar et celui des États-Unis ». Selon le Wall Street Journal, une entreprise américaine de défense, L3Harris, aurait pourtant déjà été choisie pour adapter l’avion de luxe aux besoins du président américain.
200 milliards de commande
À moins que le « Palais dans le ciel » ne fasse partie de l’investissement qatari annoncé hier, lors du passage de Donald Trump à Doha : la compagnie aérienne Qatar Airways a passé une commande de 160 avions pour une valeur de près de 200 milliards d’euros à Boeing. Une raison de plus, pour l’opposition démocrate américaine, de dénoncer « le plus gros pot-de-vin étranger de l’histoire récente ».
Dans tous les cas, ce cadeau inhabituel pose trois problèmes :
Un problème moral et constitutionnel
Les spécialistes en éthique estiment que ce don, qui serait le cadeau le plus cher jamais offert à un locataire de la Maison-Blanche, est anticonstitutionnel. Ce serait une violation de la « clause sur les émoluments » qui interdit à un président d’accepter des sommes ou des cadeaux de pays étrangers sans l’approbation du Congrès. Pour ces experts, cela constituerait un dangereux précédent.« Ce qui est en train de se passer est tellement évident : avec cet avion à 400 millions de dollars, le Qatar veut brosser Donald Trump dans le sens du poil », a commenté auprès du Washington Post l’ancien ambassadeur Norm Eisen, démocrate et ancien administrateur de la clause. Il estime que ce cadeau pose des questions morales sur la relation du Président à la famille royale.
Un problème de sécurité
Pour pouvoir utiliser le 747 et le transformer en Air Force One, il faudra très probablement le mettre aux normes militaires très strictes de sécurité et de transmission, estiment plusieurs officiels de l’armée américaine et des services secrets. Ce jet a 13 ans et, selon le Washington Post, son adaptation pourrait prendre plusieurs années et plusieurs millions d’euros (jusqu’à près d’un milliard d’euros, selon certaines sources). Trump pourrait décider d’utiliser l’avion rapidement sans qu’il soit aux normes américaines., selon le site d’info Semafor.
Un problème d’espionnage
Cette question a le don d’irriter une partie des alliés politiques de Donald Trump. Le sénateur républicain Rick Scott a confié son « inquiétude de voir le président des États-Unis voler sur un avion appartenant à un gouvernement étranger, surtout un pays qui soutient le Hamas », le mouvement islamiste à l’origine des attentats du 7-octobre contre Israël, « et qui travaille avec la Chine communiste ».