Les Nigériens ont suivi avec émoi et incrédulité un communiqué rendu public le 26 février 2020, par lequel le gouvernement apportait des réponses à ce qu’il a appelé « les supputations que suscite au niveau national l’audit mené au niveau du ministère de la défense ». Dans ce même communiqué, le gouvernement annonce :
*Qu’un audit a été effectué sur la gestion des marchés au ministère de la défense nationale ;
*Que l’audit a révélé des insuffisances dans les procédures de passation de marchés ainsi que dans le suivi de leurs exécutions, notamment des surfacturations ; des livraisons fictives ou partiellement effectuées, etc.
Contraint par l’évidence et les propos du ministre de la défense, le gouvernement a choisi de banaliser ce scandale et d’envisager tout simplement de se substituer à la justice et décider au nom de tous les pouvoirs de :
*Faire rembourser les montants indument perçus soit en raison des surfacturations soit au titre des payements des services et livraisons non ou partiellement effectués ;
*Transmettre devant les tribunaux compétents, les dossiers des fournisseurs qui refuseraient de s’exécuter ;
*Prendre des sanctions administratives appropriées à l’endroit des agents publics incriminés (…).
Ce communiqué méprisant à l’égard du peuple nigérien meurtri par tant de pertes civiles et militaires est en réalité la traduction du rapport d’infantilisation permanente qu’entretient ce régime avec le peuple nigérien.
En effet du point de vue de ce régime, le peuple nigérien n’a ni l’intelligence de comprendre les multiples malversations qui sont mises en oeuvre dans ce pays ; mais en plus, les princes qui nous dirigent sont convaincus que nous autres nigériens, n’avons ni le courage, ni la détermination de nous battre conséquemment pour imposer un comportement républicain aux gouvernants.
D’ailleurs ils sont également convaincus qu’au Niger, tous ceux qui s’opposent ou se battent dans les organisations sociales se taisent dès lors qu’ils sont jetés en prison. Ce sont là, la base et le postulat par lesquels ce régime impopulaire et corrompu gouverne et perçoit les nigériens.
C’est pour cela qu’ils se permettent tout et n’importe quoi dans tous les secteurs de la vie publique. Et c’est certainement fort de cette suffisance et de cette morgue que, face au tollé provoqué par les propos du ministre de la défense nationale sur la gravité des actes posés, le gouvernement et le Parti-Etat ont produit des communications dont le seul point commun est le mépris qu’ils ont à l’égard de notre peuple.
A l’analyse de leur communication, il apparait clairement que
le Gouvernement et le Parti-Etat sont les seuls qui ne réalisent pas ou qui ne considèrent pas le choc et l’indignation des nigériens face à ce qui est, aujourd’hui, la plus grande prédation, le plus grand scandale financier de notre histoire.
Par les montants vertigineux engloutis dans cette prédation et par le caractère hautement immoral de voir que pendant que les filles et les fils de ce pays meurent au front ; d’autres s’enrichissent grassement à coups de milliards sur ce qui devait être, théoriquement, consacré à la sécurité de notre pays.
Ne rien dire ou ne rien faire sur ce pillage des ressources de la défense, c’est mépriser et insulter le sacrifice de nos forces de défense et de sécurité et c’est également ignorer la douleur de tous ceux qui ont perdu leurs enfants dans cette guerre.
Ce qui s’est passé au ministère de la défense nationale, n’est pas un problème de procédure de passation de marché ou une affaire de trop-perçus, encore moins de simples erreurs ; il s’agit bel et bien d’un pillage, d’une dilapidation organisée consciemment et méthodiquement sur les ressources de l’armée, dans un pays en guerre.
Le ministre de la défense a d’ailleurs lui-même avoué que ceux qui ont commis ces actes mériteraient d’être exécutés.
Ainsi donc, cette guerre terriblement meurtrière pour notre peuple est juste une aubaine financière pour des gens, connus au grand jour et qui sont tous des membres éminents du régime ou de soutiens lourds du Parti-Etat.
A présent, et contrairement au Parti-Etat qui doute des capacités stratégiques de nos Forces de Défense et de Sécurité, nous connaissons suffisamment les véritables raisons des revers tragiques que nous subissons, depuis plusieurs années, face aux terroristes, notamment les terribles pertes de Bosso, Karamga, Inatès, Chinagoder, etc.
Contrairement à la déclaration du Parti-Etat, après les Chefs des Forces de Défense et de Sécurité qui ont déclaré, en novembre 2019, devant la Commission de Défense de l’Assemblée Nationale, qu’ils manquent quasiment de tout ; c’est au tour du ministre de la défense nationale de confirmer les terribles conditions de vie et de travail des soldats et de révéler qu’il y avait des armes et des munitions qui ne détonnaient pas.
Que peuvent faire les hommes, même les plus valeureux, lorsqu’ils n’ont ni armes, ni munitions qui marchent ?
C’est une telle situation que le Gouvernement et le Parti-Etat cherchent à étouffer à travers une communication grotesque qui a fini d’ailleurs par divulguer des secrets de la défense nationale.
A écouter la communication du gouvernement et du Parti-Etat centrée sur leurs réalisations, l’on doit se poser la question de savoir de quel pays ils parlent.
En effet, dans le Niger qu’ils dirigent, l’unité de vol est devenue le milliard, les secteurs sociaux sont liquidés, le monde rural est abandonné, l’eau et l’électricité sont inaccessibles pour le plus grand nombre, la pauvreté s’est généralisée et notre pays est désespérément bloqué à la dernière place du classement de l’IDH dans le monde.
Aujourd’hui, plus personne ne peut prétendre ignorer que c’est un régime corrompu et pourri qui dirige le Niger. Oui, plus personne ne peut dire qu’il ne savait pas. Ni le peuple Nigérien, ni la communauté internationale.
Il n’y a pas de République quant à partir de sa position de pouvoir exécutif on décide de qui poursuivre ou qui exonérer. C’est pourtant cela que ce régime espère réaliser et c’est contre cette sale volonté que nous nous élevons. Cette exigence de vérité et de redevabilité est donc un combat entre le peuple et ceux-là qui ont privatisé notre pays et en ont fait leur vache laitière.
Ce combat est un combat nécessaire parce que l’histoire de notre pays nous renseigne que les nigériens se sont toujours battus pour la justice et l’équité et qu’ils ont toujours triomphé face au despotisme et au déni de droit.
En conséquence de tout ce qui précède, le FRONT PATRIOTIQUE :
*Exprime toute sa solidarité et apporte son soutien aux forces de défense et de sécurités qui se battent pour notre pays dans des conditions si difficiles.
*Exprime toute sa solidarité et sa compassion aux familles des victimes civiles et militaires ainsi qu’aux populations déplacées ;
*Condamne la gestion patrimoniale et le pillage organisé de main de maitre par la mafia du régime en place ;
*Exige le respect de la séparation constitutionnelle des pouvoirs ;
*Demande au procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey de s’autosaisir de cette affaire conformément à la loi ;
Appelle toutes les forces vives de la nation à la mobilisation pour que justice soit rendue ;
*Appelle les citoyennes et citoyens, sans considération de partis, à participer à la marche du 15 MARS 2020 et à toutes les manifestations démocratiques pour la reconquête de la dignité de notre peuple ;
*Apporte son soutien aux magistrats et aux jeunes avocats engagés dans la lutte pour la restauration de la séparation des pouvoirs ;
*Appelle l’ensemble des forces sociales et syndicales à faire honneur à notre histoire de lutte et à s’engager dans le combat pour la redevabilité, la démocratie et la préservation du bien commun ;
*Tient le Président de la République, Issoufou Mahamadou pour seul et unique responsable de la situation ainsi créée.
Fait à Niamey, le 07 mars 2020