Ces mots n’ont pas été tracés
par un Nigérien. Ils ne sont même pas de notre siècle : ils
appartiennent au premier quart du 20 ème siècle. Ils datent exactement
de 1922, l’année où le Niger devint une colonie.
<<
Le fond politique de la discussion est tellement couvert d’ordures que
je n’envie pas l’historien qui plus tard voudra creuser jusque la racine
des choses >>
Ils
sont de Trotsky. Tout honnête Nigérien observateur de la scène politique
de son pays, en ce premier quart du 21 ème siècle, aurait pu tenir ces
propos qui siéent – sans rides – à la situation actuelle.
Derrière
les propos orduriers, se trame un drame dont la pestilence souillerait
les siècles à venir, et arracherait des soupirs et des pleurs aux
historiens qui oseront se pencher sur notre ère.
Si
les Nigériens pouvaient saisir l’ampleur de ce drame, ses répercussions
à long terme, sur eux, sur leurs progénitures, sur leur descendance,
ils se lèveraient, sans distinction de genre, d’ethnie ou d’appartenance
politique, pour protéger et défendre l’intégrité de leurs personnes,
leurs droits d’hommes, leur liberté et leur égalité, leur citoyenneté,
leur vivre-ensemble et leur devenir dans une commune patrie.
En
chaque Nigérien – partisan ou non du régime – il existe assez de bon
sens et autant de sensibilité pour saisir par son esprit et dans sa
chair les maux qui affectent grièvement la communauté nationale.
Ces
maux ont pour noms : rupture d’égalité, exclusion, exaction, injustice,
détournement de deniers publics, enrichissement des uns, paupérisation
des autres, privilèges pour quelques-uns, fardeau pour les autres,
violation des lois, des droits et libertés, impunité pour les uns,
châtiment pour les autres, ethnicisation des rapports sociaux, chienlit
et zizanie, entretenus.
Ah
! Ces maux, ne les énumérez pas, n’en parlez pas. Vous faites mauvaise
publicité au pays. Vous ne l’aimez pas. Fermez vos yeux, et votre
bouche, avec. Si vous persistez, c’est que vous êtes apatride.
Non,
il ne me plaît pas de clore les yeux. Il ne me plaît pas de me taire
devant tant d’évidences criardes, devant tant d’hypocrisie et de
mensonge. Il ne me plaît pas de badiner avec l’injustice. Il ne me plaît
pas d’accueillir l’intolérable et l’inadmissible par le silence.
Je
dirai donc, je dirai encore, pour mon pays, je dirai davantage, par la
voix de mon calame, par l’encre de mon écritoire, par la force de mes
convictions.
Je parlerai
de toutes ces belles réalisations que l’on chante que l’on vante, de
ces réalisations qui entrent dans le cadre normal du développement des
infrastructures que l’on brandit comme des exploits, de ces réalisations
belles mais impertinentes et insolentes.
Je
parlerai de ces immeubles resplendissants qui s’élèvent <<
jusqu’à ce ciel éblouissant>> au pied desquels la misère grouille ;
de ces tours qui toisent l’hôpital où l’on meurt faute de médicaments,
de ces édifices qui narguent l’université où l’on se tasse, se serre, où
l’on peine et sue dans des salles exiguës.
Je
parlerai de ces gratte-ciels nains, qui insultent élèves et maîtres
logés dans des huttes, des hangars et des cabanes. Je parlerai de ces
autoroutes pataugeoires, de ces routes baignoires où les voitures se
noient, où les enfants se débattent. Je parlerai des de ces billets
jetés à la volée << au son des tam-tams >> pendant que
l’anophèle vole et porte la mort sur ses ailes, vers ceux qui dorment le
ventre vide.
Je parlerai
encore de ce pays d’uranium et de pétrole, le mien, souvent dans
l’ombre, trop souvent dans les ténèbres. Je parlerai de son fleuve long,
qui n’étanche pas la soif, qui n’irrigue pas, qui ne nourrit pas assez,
de riz.
Et qui m’empêchera de parler de tous ces scandales, de toutes ces forfaitaires ?
Qui
m’empêchera pour ces soldats, pour ces enfants, pour ces fils, pour ces
filles, pour ses frères et sœurs, pour ces compatriotes morts à Diffa, à
Tillabery, pour avoir aimé et défendu l’arme défectueuse à la main leur
pays, de dire pour eux la fathia des morts, la messe de requiem,
d’invoquer pour eux les ancêtres, de tirer des salves de mots, de rouler
les mots-tambours, jusqu’à ce qu’on rende des comptes, jusqu’à ce qu’on
fasse justice ?
Qui
m’empêchera de parler de tous ces maux qui rendent les régimes
impopulaires, et méritent par les urnes une sanction populaire ?
Allons donc aux urnes ! Mais qui, ayant gouverné comme vous, laisserait par les urnes, échapper le pouvoir qui le protège ?
Mais les urnes, les urnes ! Des urnes funéraires ! Jetez-y vos voix, vous inhumez la démocratie. Ma voix enlevée, ne participera au rite.Zélateurs et laudateurs, ici, il n’y a rien à gagner.
Farmo M.
Ces mots n’ont pas été tracés par un Nigérien. Ils ne sont même pas de notre siècle : ils appartiennent au premier quart du 20 ème siècle. Ils datent exactement de 1922, l’année où le Niger devint une colonie.
<< Le fond politique de la discussion est tellement couvert d’ordures que je n’envie pas l’historien qui plus tard voudra creuser jusque la racine des choses >>
Ils sont de Trotsky. Tout honnête Nigérien observateur de la scène politique de son pays, en ce premier quart du 21 ème siècle, aurait pu tenir ces propos qui siéent – sans rides – à la situation actuelle.
Derrière les propos orduriers, se trame un drame dont la pestilence souillerait les siècles à venir, et arracherait des soupirs et des pleurs aux historiens qui oseront se pencher sur notre ère.
Si les Nigériens pouvaient saisir l’ampleur de ce drame, ses répercussions à long terme, sur eux, sur leurs progénitures, sur leur descendance, ils se lèveraient, sans distinction de genre, d’ethnie ou d’appartenance politique, pour protéger et défendre l’intégrité de leurs personnes, leurs droits d’hommes, leur liberté et leur égalité, leur citoyenneté, leur vivre-ensemble et leur devenir dans une commune patrie.
En chaque Nigérien – partisan ou non du régime – il existe assez de bon sens et autant de sensibilité pour saisir par son esprit et dans sa chair les maux qui affectent grièvement la communauté nationale.
Ces maux ont pour noms : rupture d’égalité, exclusion, exaction, injustice, détournement de deniers publics, enrichissement des uns, paupérisation des autres, privilèges pour quelques-uns, fardeau pour les autres, violation des lois, des droits et libertés, impunité pour les uns, châtiment pour les autres, ethnicisation des rapports sociaux, chienlit et zizanie, entretenus.
Ah ! Ces maux, ne les énumérez pas, n’en parlez pas. Vous faites mauvaise publicité au pays. Vous ne l’aimez pas. Fermez vos yeux, et votre bouche, avec. Si vous persistez, c’est que vous êtes apatride.
Non, il ne me plaît pas de clore les yeux. Il ne me plaît pas de me taire devant tant d’évidences criardes, devant tant d’hypocrisie et de mensonge. Il ne me plaît pas de badiner avec l’injustice. Il ne me plaît pas d’accueillir l’intolérable et l’inadmissible par le silence.
Je dirai donc, je dirai encore, pour mon pays, je dirai davantage, par la voix de mon calame, par l’encre de mon écritoire, par la force de mes convictions.
Je parlerai de toutes ces belles réalisations que l’on chante que l’on vante, de ces réalisations qui entrent dans le cadre normal du développement des infrastructures que l’on brandit comme des exploits, de ces réalisations belles mais impertinentes et insolentes.
Je parlerai de ces immeubles resplendissants qui s’élèvent << jusqu’à ce ciel éblouissant>> au pied desquels la misère grouille ; de ces tours qui toisent l’hôpital où l’on meurt faute de médicaments, de ces édifices qui narguent l’université où l’on se tasse, se serre, où l’on peine et sue dans des salles exiguës.
Je parlerai de ces gratte-ciels nains, qui insultent élèves et maîtres logés dans des huttes, des hangars et des cabanes. Je parlerai de ces autoroutes pataugeoires, de ces routes baignoires où les voitures se noient, où les enfants se débattent. Je parlerai des de ces billets jetés à la volée << au son des tam-tams >> pendant que l’anophèle vole et porte la mort sur ses ailes, vers ceux qui dorment le ventre vide.
Je parlerai encore de ce pays d’uranium et de pétrole, le mien, souvent dans l’ombre, trop souvent dans les ténèbres. Je parlerai de son fleuve long, qui n’étanche pas la soif, qui n’irrigue pas, qui ne nourrit pas assez, de riz.
Et qui m’empêchera de parler de tous ces scandales, de toutes ces forfaitaires ?
Qui m’empêchera pour ces soldats, pour ces enfants, pour ces fils, pour ces filles, pour ses frères et sœurs, pour ces compatriotes morts à Diffa, à Tillabery, pour avoir aimé et défendu l’arme défectueuse à la main leur pays, de dire pour eux la fathia des morts, la messe de requiem, d’invoquer pour eux les ancêtres, de tirer des salves de mots, de rouler les mots-tambours, jusqu’à ce qu’on rende des comptes, jusqu’à ce qu’on fasse justice ?
Qui m’empêchera de parler de tous ces maux qui rendent les régimes impopulaires, et méritent par les urnes une sanction populaire ?
Allons donc aux urnes ! Mais qui, ayant gouverné comme vous, laisserait par les urnes, échapper le pouvoir qui le protège ?
Mais les urnes, les urnes ! Des urnes funéraires ! Jetez-y vos voix, vous inhumez la démocratie. Ma voix enlevée, ne participera au rite.Zélateurs et laudateurs, ici, il n’y a rien à gagner.
Farmo M.