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France-Afrique : en quoi consistent les accords de défense ?

Le chef d’état-major général de l’armée tchadienne Abakar Abdelkérim échange avec le général Jean-Pierre Perrin, commandant des forces françaises au Gabon

L’accord de défense se distingue ainsi des accords de coopération militaire ou des arrangements, de nature essentiellement technique, en ce qu’il instaure un lien de défense de nature plus politique. Le champ de ces accords est variable. Ils peuvent aller au-delà de la défense contre un agresseur étatique.

Après les indépendances, la France a signé des accords de coopération militaire et de défense avec une vingtaine de pays africains. Mais Paris n’est pas seul sur le continent.

En décembre dernier, le Mali a demandé à la France de réviser les accords de défense qui lient les deux pays depuis 2013. La France n’a pas officiellement réagi à cette demande qui est une nouvelle manifestation des tensions entre Paris et Bamako.

Le Mali et la France sont liés depuis mars 2013 par deux types d’accords de défense, « conclu pour une durée de cinq ans et renouvelables par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de cinq ans, à moins que l’une des parties notifie à l’autre son intention de mettre un terme au traité six mois avant son expiration. »

Selon le colonel Pascal Ianni, porte-parole du chef d’état-major des armées françaises, le premier accord, qui s’intitule « Statut de la force Serval », définit les règles d’engagement des forces françaises sur le sol malien.

Liberté de circulation d’engins

En clair, l’accord garantit une « pleine liberté de circulation sur le territoire et dans l’espace aérien malien des véhicules et des aéronefs, militaires et civils, du personnel du détachement français ainsi que des détachements non-français de la force. »  

Le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a dénoncé à l’ONU un abandon du Mali par la France

En 2014, lorsque l’opération Barkhane a remplacé Serval, un autre accord intitulé « Traité de coopération en matière de défense (TCMD) » a été signé entre les deux pays.

Le Colonel Pascal Ianni explique sur la DW que« C’est un accord qui est beaucoup plus global et qui traite de différents sujets de coopération structurelle ou de coopération opérationnelle. Il ne contient aucune disposition opérationnelle puisqu’il prévoit que les dispositions opérationnelles soient déclinées dans le cadre d’arrangements techniques élaborés entre les gouvernements malien et français. C’est ce qui s’est passé depuis 2014. Ces accords font l’objet d’échanges réguliers entre les autorités françaises et les autorités maliennes. »

Un protocole additif sous forme d’échange de lettres à l’accord déterminant le statut de Serval a été signé les 6 et 10 mars 2020. Il s’applique également pour les éléments de la Force européenne Takuba sur le territoire malien.

Violation de la souveraineté malienne ?

Pour sa part, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a récemment estimé que certaines dispositions de ces accords violent la souveraineté et la constitution de son pays.

Il a cité par exemple que l’Etat malien ne pourrait survoler certaines parties de son propre territoire. Le Colonel Pascal Ianni dément.

« Aucun des deux accords que je vous ai cités ne prévoit de telles dispositions. Puisque, bien sûr, le Mali est un Etat souverain, les armées françaises n’ont jamais empêché un aéronef de survoler le territoire malien, explique le porte-parole du chef d’état-major des armées françaises.  Il y a des mesures de coordination qui visent simplement, pour des raisons évidentes de sécurité, à coordonner les mouvements entre les aéronefs français, les aéronefs d’autres pays et les aéronefs maliens dans l’espace aérien malien, afin d’éviter les accidents. »

Avant la signature de ces deux accords de coopération militaire, la France et le Mali étaient liés par un partenariat sécuritaire dans le cadre d’un accord de coopération technique.

Des milliers de militaires sur le continent

Après les indépendances, la France a signé des accords de coopération militaire et de défense avec une vingtaine de pays africains. Paris dispose toujours d’environ 6.000 militaires qui sont répartis entre la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.

Thomas Borrel, porte-parole de l’association Survie et coauteur de l’ouvrage collectif « L’empire qui ne veut pas mourir », rédigé par un ensemble de spécialistes de la France en Afrique, résume ainsi sur la DW les accords militaires passés et présents : 

« En 1981, on comptait treize accords de coopérations militaires et huit accords de défense, alors qu’en 2021, 40 ans plus tard, on compte 21 accords de coopération militaire et 11 accords de défense ou accords de partenariat de défense, dans une relative opacité. Puisque cette information n’est pas disponible facilement. Et puis, il y a l’opacité sur le contenu. Le cas du Tchad, où on n’a toujours pas accès à l’accord qui a été signé avec le régime de feu Idriss Déby Itno, et qui permet à l’armée française de stationner dans ce pays. »

Publication du contenu des accords

Thomas Borrel plaide ainsi pour que ces accords soient révisés ou que leur contenu soit rendu public.

Une révision demandée d’ailleurs en décembre dernier par le Mali et à l’origine des tensions actuelles entre Bamako et Paris.

Mais Roland Marchal, chercheur spécialiste de l’Afrique au Centre de recherches Internationales, rappelle sur la DW que des révisions ont déjà eu lieu.

« Cette révision, elle a lieu périodiquement. Et la dernière fois qu’il y a eu une révision d’ampleur, c’est paradoxal, ça été sous Nicolas Sarkozy où il y a eu un certain toilettage. Puisque les textes de nombreux accords de défense signés sur le continent prévoyaient l’intervention aux côtés des forces gouvernementales en cas d’actions violentes, et ces textes ne sont pas toujours clairs sur l’origine de l’action violente, affirme sur la DW Roland Marchal.  C’est-à-dire, est-ce que c’était dans le cadre de la contestation politique ou dans le cas d’une agression extérieure ? Et puis de plus en plus, la France veut avoir un mandat international quand elle intervient. Ce qui a été le cas également du Mali. »

Sous la présidence de Jacques Chirac, la France avait toutefois refusé d’intervenir lors du coup d’Etat en Côte d’Ivoire qui a renversé, en décembre 1999, Henri Konan Bédié, en dépit de l’existence d’un accord de défense entre les deux pays. Elle a réitéré son refus en 2002, après la tentative avortée de putsch.

Cependant, Paris est intervenu en février 2019 pour aider l’ancien président tchadien, Idriss Déby Itno, en bombardant les colonnes rebelles de Timan Erdimi qui se dirigeaient vers N’Djaména en provenance du sud de la Libye.

Accords russo-africains

En retrait depuis la chute de l’ancienne URSS, la Russie a entamé depuis quelques années un retour en force sur le continent africain. Un retour marqué par la signature d’accords de coopération militaire, par la vente d’armes de guerre mais aussi par la présence controversée du groupe paramilitaire Wagner.

Le Kremlin est accusé par les pays occidentaux de soutenir le déploiement des mercenaires de la société paramilitaire Wagner, dirigée par l’homme d’affaires Evguéni Prigojine, un proche de Vladimir Poutine. Au cours des dernières années, le groupe est ainsi intervenu en Libye, au Soudan, au Mozambique, à Madagascar, en Centrafrique et au Mali.

Moscou a officialisé son intérêt pour l’Afrique lors de la visite de Vladimir Poutine en 2006 en Afrique du Sud. Trois ans plus tard, son successeur, Dmitri Medvedev, s’est rendu dans quatre pays : Namibie, Angola, Nigeria, et Egypte.  Entre 2015 et 2019, la Russie aurait ainsi signé une vingtaine d’accords de coopération militaire avec des pays africains comme le Tchad, l’Algérie, le Mali, la République centrafricaine, le Cameroun ou encore le Soudan.

Questions sécuritaires

Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), et spécialiste des questions russes, affirme sur la DW que « Ce retour est essentiellement fondé sur les questions sécuritaires et la signature des accords de sécurité, de coopération en matière de défense. Et là, il y en a une vingtaine qui ont été signés. Et ces accords n’ont pas été publiés, en dehors des questions de formations et de coopération en général. »

Les importations africaines d’armes russes

Selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), l’Algérie achète plus de matériels militaires que tous les autres Etats africains réunis. En 2021, Alger a importé des équipements militaires russes pour un montant de près d’un milliard de dollars, indique un rapport du service fédéral des douanes russes, rendu public en septembre 2021.  Avec 985 millions de dollars, l’Algérie reste le premier acheteur de la Russie pour la deuxième année consécutive, ajoute le rapport. En 2020, la Russie avait en effet vendu des armes à l’Algérie pour un montant cette fois de près de deux milliards de dollars

Ce pays est suivi par l’Egypte qui, en 2019, a notamment signé un accord pour la fourniture de plus de 20 avions chasseurs SU-35 d’un montant de près de deux milliards de dollars (1,78 milliards d’euros). Enfin, l’Angola est le troisième gros client de Moscou, suivi de très loin par le Nigeria, le Rwanda, le Mali, le Soudan.

Absence de rapports coloniaux

Nina Bachkatov, spécialiste de la Russie, éditrice de la revue en ligne Inside Russia and Eurasia et autrice du livre « Poutine, l’homme que l’Occident aime haïr », note sur la DW que « La Russie n’est pas un ancien pays colonial donc elle a un rapport automatiquement différent avec les chefs d’Etat africains ».

Elle ajoute : « On voit que les Russes s’intéressent aux pays qui sont des producteurs de ressources naturelles et aussi ils restent intéressés, comme à l’époque soviétique d’ailleurs, par la coopération militaire, en envoyant des instructeurs, en vendant des armes ou en vendant des pièces détachées pour des armes qui datent encore de la période soviétique. »

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DW avec NigerExpress

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