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« La Covid-19 est venue mettre à terre les échanges entre nos pays »Amadou Halidou, maire de la Commune urbaine de Gaya

La Commune de Gaya a été créée par la loi 2002 du 14 juin 2002 portant création des communes et fixant les noms des Chefs-lieux des communes. Située à l’extrême sud de Dosso, Gaya s’étend sur 360 km2, pour une population estimée à 63.000 habitants. Outre le centre urbain, la commune comprend 18 quartiers, 5 villages administratifs et 43 villages traditionnels ou hameaux et 3 tribus peuples ou rouga. La commune abrite 7 groupes ethniques dont les Dendis, les Zarmas, les Haoussas, les Peulhs, les Touaregs, les Yoroubas et les Gourmantchés. Trois (3) principales activités occupent ces populations : il s’agit du commerce, de l’agriculture et de la pêche.

Concernant l’agriculture, le Département de Gaya est la zone la plus arrosée du Niger, ce qui permet de promouvoir les activités agricoles qui occupent une bonne partie de la population et qui lui permet de tirer l’essentiel de ses revenus.

Monsieur le maire, quelles sont les potentialités dont regorge Gaya ?

Outre la culture des céréales (mil, sorgho, maïs, etc.), les gens pratiquent le jardinage et les cultures de contre saison. Nous produisons beaucoup de Tanjalons, des mangues ainsi que d’autres fruits et légumes, ce qui permet de ravitailler d’autres localités et même Niamey, la capitale. Il y a aussi nos rôneraies qui, en plus d’être des lieux touristiques, jouent un grand rôle dans l’alimentation, l’habitation, le soin de certaines maladies et la lutte contre la désertification, tout en procurant d’importants

revenus à nos populations.

Quels sont les avantages que Gaya tire de sa proximité avec le Bénin  et le Nigeria ?

Le département de Gaya fait frontière non seulement avec le Bénin mais aussi avec le Nigeria. L’un des avantages de cette proximité est le mixage. Nous avons des échanges socioculturels et surtout économiques. Par exemple avec les habitants des villes proches de Gaya, nous sommes devenus presque des parents. Ainsi, à Malanville, qui est située à quelques encablures de Gaya, il y a des gens qui parlent la langue Dendi plus que nous et nous nous côtoyons régulièrement. D’un côté comme de l’autre, les habitants se rendent dans les différents marchés. Il y a aussi les transactions commerciales qui nous lient. Du Bénin, nous importons du maïs, de la farine de manioc, de l’igname. Nous leur fournissons en retour nos produits locaux comme des fruits et certaines denrées. D’ailleurs avec les Béninois, nous avons même créé un cadre de concertation nommée le ‘‘Dendi Ganda’’. C’est un cadre qui réunit toutes les communes, avec lesquelles nous avons les mêmes coutumes. Nous nous réunissons aussi pour échanger par rapport à la vie de nos communes. Dans ce même cadre, nous avons reçu une visite, au cours de laquelle il a été décidé de la construction d’une route qui va rallier Gaya à Dolé, une localité partagée entre le Niger et le Nigéria.  Quant au Nigéria, nous y exportons et/ou importons du bétail, des fruits. Nous nous approvisionnons aussi en produits manufacturés. Par exemple, pour mon mouton de Tabaski, c’est à  Kamba, au Nigéria, que je l’ai acheté.

Une localité frontalière fait forcement face à des contraintes. quelles sont les contraites auxquelles Gaya est confronté ?

La contrainte la plus virulente et pénalisante est l’incivisme. Nos populations ne perçoivent pas l’intérêt et la nécessité du paiement des impôts.  Ici, l’incivisme fiscal fait école, c’est difficile, les gens ne payent pas les impôts. ». En effet, comme les recettes d’une commune viennent principalement des taxes et impôts de ses habitants, il est difficile d’imaginer son fonctionnement sans cette source de revenus. La richesse d’une commune, ce sont les taxes municipales et les autres taxes et nous, c’est avec ça que nous travaillons. Ce manquement aux impôts est devenu un problème aigu, qui pénalise le fonctionnement de la commune. Nous avons sensibilisé mais cela continue à être un calvaire pour nous. Mais parfois, les paysans disent que, eux, ils payent. Ce que les citoyens payent comme impôts, nous  en faisons des réalisations et ils voient. Et quand le paysan sait où va son argent, je crois qu’il ne doit pas avoir  des difficultés pour s’acquitter de ses impôts. Les séances de sensibilisation qui sont faites à l’endroit des citoyens commencent à porter leurs fruits. Car on constate une amélioration dans la mobilisation des recettes. Ainsi, nous devons continuer à aller vers ces populations pour leur expliquer le bien fondé et la nécessité des taxes. Car, sans ces taxes de voiries, une commune ne peut pas s’en sortir et être bien gérée. Une autre contrainte majeure est la sécurité. Outre les deux frontières que Gaya possède, il y a une autre frontière insaisissable qui est le fleuve. C’est par ce fleuve que toutes les transactions s’effectuent depuis la fermeture des frontières. C’est pour cela que nous nous mobilisons pour sécuriser nos concitoyens et leurs biens.

Le Niger à l’instar des autres pays d’Afrique est touché par la pandémie de la Covid-19. Quelles en sont les conséquences sur le plan socioéconomique ?

Les conséquences sont aussi diverses que nombreuses. Vu qu’avec nos voisins du Bénin et du Nigéria, nous entretenons plusieurs activités, il faut dire que l’apparition de cette maladie a mis un frein à ces échanges. D’abord, les gens sont déconnectés de leurs parents se trouvant de l’autre côté des frontières. Les échanges des biens se sont brusquement arrêtés. Déjà avant la pandémie, le Nigeria voisin avait pris la décision de fermer ses frontières, ce qui a significativement réduit les échanges, la Covid-19 est venu mettre à terre les échanges entre nos pays. Une grande partie de nos activités commerciales est traitée avec le Nigeria ; donc, il est clair que la situation de la fermeture des frontières a bloqué beaucoup de choses et rien ne bouge, certaines personnes ont même envisagé de quitter Gaya, pour d’autres horizons. En plus, cette situation a beaucoup promu la fraude. Car les gens contournent et prennent d’autres voies pour s’adonner à leurs activités, ce qui cause, bien entendu, beaucoup de problèmes. Il passe aussi par le fleuve, ce qui engendre des accidents, avec des pirogues qui chavirent et tuent des personnes, comme c’est le cas récemment, avec des dizaines de morts au fleuve. Ils passent aussi vers le Nigéria, où ils se font attaquer et dépouiller par des bandits dans la brousse.

En dépit de tous ces défis que vous venez d’énumérez, quelles peuvent-être les perspectives pour la Commune de Gaya ?

Nous nous concertons régulièrement pour voir, avec tous les acteurs, quelles dispositions prendre pour sortir de cette situation et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. Par ailleurs, nous sollicitons aussi nos divers partenaires, pour leur expliquer la situation, ainsi que les efforts que l’Etat et nous déployons pour améliorer la situation et décliner nos attentes et nos besoins, pour qu’ils nous viennent en aide. Déjà, quelques-uns de ces partenaires ont commencé à se manifester et nous fondons l’espoir que des appuis nous parviendrons pour circonscrire cette triste situation. Nous osons espérer que certaines de nos attentes seront satisfaites, notamment la réhabilitation du marché à bétails, qui nécessite des investissements costauds. Notre partenaire FRAZIA, qui intervient dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, nous vient aussi en aide. Nous attendons donc que  l’Etat et des partenaires nous appuyent dans la gestion et la sortie de cette situation. Vue sa position géographique, Gaya doit être la vitrine en matière de collaboration.

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