Moudi Moussa, Halidou Mounkaila et Maikoul Zodi sont des prisonniers de conscience qui doivent être libérés immédiatement et sans condition.
Inquiétudes face à une répression croissante des droits humains au Niger.
Cela fait six mois ce 15 septembre que trois défenseurs des droits humains sont emprisonnés au Niger pour avoir simplement participé à des manifestations pacifiques demandant l’ouverture d’une enquête sur les allégations de détournement de fonds par le ministère de la défense.
CIVICUS, Amnesty International, Oxfam, Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP), Tournons la Page International (TLP) et Front Line Defenders demandent la libération immédiate et inconditionnelle de Moudi Moussa, Halidou Mounkaila et Maikoul Zodi. Ils ont été arrêtés entre le 15 et le 17 mars 2020 en même temps que quatre autres militants, après la dispersion par les forces de sécurité des manifestations pacifiques contre la corruption dans la capitale Niamey.
Deux jours avant la manifestation, les autorités l’avaient interdite, à titre de mesure préventive contre la pandémie de COVID-19. Il y a eu des violences ayant fait au moins trois morts et plusieurs bâtiments endommagés.
Les accusations portées contre les trois défenseurs comprennent « l’organisation d’un rassemblement non autorisé, incendie criminel, dommages aux biens publics et homicide involontaire ». Le jour de la manifestation, au moins 15 militants avaient été arrêtés, dont six placés en détention provisoire.
Trois des détenus ont été libérés provisoirement en mai mais Moudi Moussa, Halidou Mounkaila et Maikoul Zodi sont toujours détenus arbitrairement malgré l’octroi une caution de 5 millions de francs (environ 9 200 dollars US) le 6 août. Le procureur a fait appel de cette décision avec succès et ils sont toujours détenus dans trois prisons distinctes.
Moudi Moussa est journaliste et syndicaliste, Halidou Mounkaila est leader du syndicat d’enseignants SYNACEB et Maikoul Zodi est le coordinateur national du mouvement mondial Tournons La Page. Ces trois défenseurs des droits humains sont membres de la coalition PWYP et sont présentés dans la campagne de CIVICUS #StandAsMyWitness, qui sensibilise le public sur les défenseurs des droits humains détenus arbitrairement dans le monde et demande leur libération. Amnesty International considère ces trois défenseurs comme des prisonniers de conscience et demande leur libération immédiate et inconditionnelle.
La détention des défenseurs des droits humains intervient dans un contexte de répression croissante des droits humains et de l’espace civique au Niger. En juin, le pays a été ajouté à la liste de surveillance de CIVICUS. Cette liste met en évidence les pays où il y a eu récemment un déclin rapide des droits humains, y compris les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.
Les organisations de défense des droits humains sont particulièrement préoccupées par le harcèlement, l’intimidation et les attaques dont font l’objet les militants et défenseurs des droits humains, notamment ceux qui réclament la transparence et la responsabilité dans les secteurs public et privé. Des journalistes ont également été arrêtés pour avoir fait des reportages sur des allégations de corruption.
Le 10 juin 2020, la journaliste et bloggeuse Samira Sabou a été arrêtée à Niamey et inculpée de diffamation en rapport avec un post sur les réseaux sociaux mettant en lumière la corruption. Selon ses collègues militants, son arrestation est liée à un post du 26 mai 2020, dans lequel elle faisait référence à un audit du ministère de la défense concernant l’achat frauduleux de matériel militaire pour l’armée. L’un des commentaires en dessous du post critiquait le fils du président de la République en relation avec l’audit, bien que Samira Sabou n’ait pas mentionné le fils dans son post. Le 28 juillet, elle a été relaxée par le tribunal de grande instance de Niamey pour « délits non constitués » et libérée le même jour.
Le 12 juillet, le journaliste Ali Soumana a été convoqué par la police, interrogé et accusé de fausse information pour des commentaires faits sur des allégations de corruption. Certains journalistes ont également été arrêtés et détenus pour avoir fait des reportages sur la réponse des autorités au COVID-19. En mai, l’Assemblée nationale a promulgué une nouvelle loi qui permet aux autorités d’intercepter des conversations téléphoniques dans le cadre de la réponse de l’État à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale, sans les garanties appropriées en matière de droits humains, y compris les droits à la liberté d’expression et à la vie privée.
« Au cours des huit derniers mois, nous avons assisté à une recrudescence des violations des droits humains par les autorités nigériennes, y compris l’intimidation et le harcèlement des militants, défenseurs et journalistes des droits humains. C’est une mascarade que Moudi Moussa, Halidou Mounkaila et Maikoul Zodi soient toujours en prison simplement pour avoir protesté contre une mauvaise utilisation présumée des fonds de la défense. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition », a déclaré David Kode, responsable du Plaidoyer et des Campagnes de CIVICUS.
« Nous pensons que les accusations portées contre les militants pour complicité de dégradation de biens publics, d’incendie criminel et d’homicide involontaire sont fabriquées de toutes pièces pour compromettre l’exercice pacifique de leurs droits humains et les exigences de transparence et de responsabilité », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Les organisations signataires sont préoccupées par la détention prolongée des défenseurs des droits humains sur la base d’accusations sans fondement. Elles appellent le gouvernement du Niger à libérer immédiatement Moudi Moussa, Halidou Mounkaila et Maikoul Zodi et à cesser de persécuter les membres de la société civile.
Le Niger figure sur la liste des pays « bloqués » par le CIVICUS Monitor, un outil en ligne qui suit les conditions de l’espace civique dans le monde.