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Niger : « Le programme « Renaissance » se traduit par des choix politiques alambiqués »

ISOUFGARDES
Le programme « Renaissance » du président nigérien Mahamadou Issoufou, qui a suscité l’espoir des citoyens, s’est mué en déceptions et en un recul de la démocratie, selon Issoufou Yahaya, historien et politologue à Niamey.
Au Niger, depuis sept ans, dans les domaines politique, économique, social comme culturel, de l’idée à la pratique, tout est suspendu au concept de « Renaissance », du nom du programme du président Mahamadou Issoufou, qui avait suscité tant d’espoirs chez nombre de Nigériens. Mais qui, pour beaucoup d’entre eux, s’est mué en cauchemar.

En lieu et place de l’intérêt collectif et de la justice sociale, on assiste à l’exercice d’un pouvoir aux intentions et au style quasi autocratiques, comme le montre par exemple le report des élections régionales et locales sans base juridique.

Cette gestion […] se traduit par un abandon du système éducatif et de celui de la santé, un recul des valeurs citoyennes
12 février 2018 à 15h44 — Mis à jour le 19 février 2018 à 13h05
par Issoufou Yahaya

Historien et politologue, maître de conférences à l’université Abdou-Moumouni de Niamey
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Le programme « Renaissance » du président nigérien Mahamadou Issoufou, qui a suscité l’espoir des citoyens, s’est mué en déceptions et en un recul de la démocratie, selon Issoufou Yahaya, historien et politologue à Niamey.

TRIBUNE

Au Niger, depuis sept ans, dans les domaines politique, économique, social comme culturel, de l’idée à la pratique, tout est suspendu au concept de « Renaissance », du nom du programme du président Mahamadou Issoufou, qui avait suscité tant d’espoirs chez nombre de Nigériens. Mais qui, pour beaucoup d’entre eux, s’est mué en cauchemar.

Au lieu de faire « renaître » le Niger, les champions du socialisme transsaharien ont plutôt semblé procéder à leur propre régénération. En lieu et place de l’intérêt collectif et de la justice sociale, on assiste à l’exercice d’un pouvoir aux intentions et au style quasi autocratiques, comme le montre par exemple le report des élections régionales et locales sans base juridique.

Cette gestion […] se traduit par un abandon du système éducatif et de celui de la santé, un recul des valeurs citoyennes

Le pluriel est désormais singulier, et l’horizontalité verticalité. L’État semble être devenu un patrimoine dont l’usage et la disposition sont le fait exclusif de son chef. Tout comportement est évalué en fonction du « boss ». On peut tout se permettre, nommer qui on veut, où l’on veut. Peu importe les compétences. La Renaissance a aplati les institutions, lissé le gouvernement, étranglé l’opposition et couvert d’apparente légalité toutes sortes d’entorses. Que les médias et la société civile sortent les affaires de corruption, rien n’y fait.
« La démocratie est devenue tiède »

Cette gestion labellisée « Renaissance » se traduit par des choix politiques alambiqués, un abandon du système éducatif et de celui de la santé, un recul des valeurs citoyennes. Pour certains, elle se résume à une promotion de la coterie, cette « intelligence politique » selon laquelle l’impunité devient le fondement de la gouvernance et où la satisfaction de préoccupations personnelles prévaut sur les intérêts du pays.
L’internationalisation du Niger est aujourd’hui telle qu’il semble être devenu la frontière sud de l’espace Schengen
La démocratie est devenue tiède. Point de scrutins, notamment locaux, envisageables à court terme, même aussi contestables que le furent les élections générales de 2016 avec leurs 110 % de votants dans certaines circonscriptions.
Le silence des Occidentaux suffit à disculper un pouvoir qui, aux dires de ses détenteurs, a fait plus que tous ses prédécesseurs en cinquante ans. L’internationalisation du Niger est aujourd’hui telle qu’il semble être devenu la frontière sud de l’espace Schengen.
Volontés personnelles
Finalement, que retenir de la présente gouvernance ? Mépris vis-à-vis d’une population résignée, politisation de tous les espaces, restriction des libertés fondamentales, choix économiques embrouillés, prise en compte des seuls desiderata des partenaires.
Un président sourd aux vraies préoccupations de son peuple, mais fier de ses actes
Toutefois, l’exécutif peut se féliciter d’avoir recruté des médecins, d’avoir gratifié l’armée et équipé la présidence. Il peut également se targuer d’avoir construit des routes et doté certaines capitales régionales d’infrastructures – dont d’ahurissantes résidences présidentielles qui attendront longtemps leur locataire –, d’avoir construit des salles de cours – sans être à jour dans le recrutement des enseignants –, d’avoir ouvert dans toutes les régions des universités publiques – qui fonctionnent laborieusement.
Il a construit une centrale électrique, posé les barres d’acier d’une voie ferrée… Peut-on pour autant parler de réalisations ? Non. Ce sont avant tout les options personnelles d’un président sourd aux vraies préoccupations de son peuple, mais fier de ses actes.

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