Le jeûne, lit-on dans les livres religieux, est un acte de foi et d’adoration qui permet au jeûneur de vivre provisoirement l’expérience de la faim et de la soif. Ce qui renforcera la compassion du fidèle envers les plus démunis qui n’arrivent pas à se nourrir. Cette année, le mois de jeûne musulman entame sa dernière décade avec des températures extrêmes où le mercure semble se stabiliser durablement au-dessus des 40°C. Pour se rafraichir en ces temps de canicule et de délestage électrique dans la ville, les habitants sortent leurs chapeaux et éventails en paille pendant la journée, et consomment des boissons rafraîchissantes traditionnelles héritées de la culture culinaire nigérienne lors de la rupture.
Avec les pics de chaleur, synonyme de pics de consommation de l’énergie électrique, le retour aux méthodes traditionnelles de lutte contre les effets de la canicule se remarque aisément dans la ville de Niamey. Ceux qui sont obligés de travailler durement sous le soleil pour gagner leur pain quotidien dans la ville, se coiffent du chapeau traditionnel fait de paille ou à base de feuilles de palmier doum. Cette dernière matière première étant abondamment utilisée du fait de sa disponibilité dans les villages environnants de la ville de Niamey.
Au rond-point Balafon, l’une des artères les plus animées de la ville, on découvre une large gamme de chapeaux et d’éventails provenant des zones rurales de la région de Tillabéri. Débout au milieu de ses marchandises, tous confectionnées avec des feuilles de palmier doum, M. Saley Hamidou explique que le chapeau s’arrache sur le marché en cette période particulière de Ramadan. « Dès que tu l’as, tu vas l’écouler », dit-il, satisfait que sa bourse soit alourdie un peu plus que d’habitude.
Ce vieux routinier du métier se procure en articles sur le marché de Balleyara, tout comme la majorité de ses collègues. « Même si de plus en plus de personnes se spécialisent dans la confection du chapeau, cette marchandise devient rare sur place car, l’offre est largement en dessous de la demande », se désole-t-il.
Sur ce marché informel du rond-point Balafon, les chapeaux achetés à Balleyara entre 100 F et 200F pour les modèles de base, se revendent avec une marge bénéficiaire de 50F à 75F CFA. « Ce qui est suffisant pour couvrir les frais de transport et mettre une partie de l’argent de côté », soutient M. Saley Hamidou. Les prix des éventails eux, sont légèrement plus bas que ceux des chapeaux.
Une fois le chapeau sur la tête, certains vendeurs ambulants n’hésitent pas à verser de l’eau sur eux pour faire baisser leur température corporelle. Cette pratique considérée comme mauvaise par la plupart des gens, perdure encore et ce, malgré sa désaffection par la société. Pour que l’humidité dure, le jeûneur se couvre le plus souvent d’un bout de tissu en coton, avant de poser son chapeau traditionnel dessus. L’éventail lui sert à brasser l’air pendant les délestages.
Se baigner dans le fleuve pour se rafraîchir
Dans les après-midis, les rives du fleuve Niger accueillent une multitude de groupe de jeunes et d’enfants qui fuient la canicule. Ils se réfugient ici pour se baigner librement dans ce grand cours d’eau légendaire qui entame sa décrue, laissant découvrir un rivage au sable fin pollué par endroits par des déchets ménagers. L’ambiance est bon enfant ici, sous le Pont-Kennedy, du côté de la rive droite du fleuve. Etudiants, commerçants du Petit-marché, dockers et d’autres couches socio-professionnelles interagissent, submergés par le son des vagues et le chuchotement des baigneurs.
Au sortir d’une séance de ‘’Lipton’’ qui consiste dans le jargon de ce rivage à se boucher le nez avec les doigts et plonger l’ensemble du corps dans l’eau pendant quelques secondes avant de resurgir, Abdoul Karim Mahamadou Issaka explique le bien qu’il se procure en venant au bord du fleuve chaque mois de Ramadan et ce, depuis trois (3) ans aujourd’hui. Les séances répétitives de ‘’Lipton’’ permettent de charger « les batteries » des jeûneurs, nous confie cet étudiant de l’INJS.