Le Parquet national financier (PNF) a ouvert une information judiciaire visant notamment Areva – devenu depuis Orano – dans une affaire baptisée « Uraniumgate »de courtage d’uranium nigérien en 2011, qui s’était traduite par d’importantes pertes pour le groupe nucléaire.
Après avoir mené son enquête préliminaire pendant presque cinq années, le PNF a confié la suite des investigations en février 2020 à un juge d’instruction pour « corruption d’agent public étranger, corruption privée, association de malfaiteurs, abus de biens sociaux, abus de confiance et blanchiment en bande organisée de ces délits », a détaillé le parquet, confirmant une information de l’hebdomadaire LObs.
L’affaire « Uraniumgate » avait éclaté en février 2017 avec la publication, dans l’hebdomadaire nigérien Le Courrier, de documents portant sur la vente à l’automne 2011 d’une importante quantité d’uranium pour 320 millions de dollars. Le stock avait dans un premier temps été cédé par Areva à une société russe, Energo Alyans, qui l’avait ensuite revendu à la société Optima Energy Offshore au Liban.
Entre 24 et 101 millions de dollars auraient été détournés
Quelques jours plus tard, Optima avait vendu l’uranium à la Société de patrimoine des mines du Niger (Sopamin), contrôlée par l’Etat nigérien. Areva avait alors racheté ce stock à la Sopamin à un prix bien supérieur à celui auquel il l’avait cédé initialement.
Les policiers de la brigade financière, chargée des investigations après la révélation de transactions douteuses par l’hebdomadaireMarianne à l’été, cherchaient à déterminer si le montage financier aurait pu permettre de dissimuler des commissions ou des rétrocommissions. Entre 24 et 101 millions de dollars auraient été détournés des caisses du groupe Areva entre novembre 2011 et février 2012, selon L’Obs. Lire aussi
D’après l’hebdomadaire, l’information judiciaire a été confiée au même juge d’instruction que celui qui était chargé de l’enquête sur l’acquisition par Areva d’une société minière canadienne, Uramin, propriétaire de trois gisements d’uranium en Afrique, pour laquelle il a déboursé 1,8 milliard d’euros en 2007.
L’opération avait tourné au fiasco : après le départ de sa patronne Anne Lauvergeon, Areva avait divisé par cinq la valeur de la société et passé, fin 2011, une lourde provision de 1,5 milliard d’euros.
Deux informations judiciaires
Deux informations judiciaires avaient été ouvertes : l’une porte sur des soupçons d’escroquerie et de corruption, la seconde sur les provisions inscrites en 2010 et 2011 par Areva, les magistrats soupçonnant d’anciens responsables de les avoir sous-évaluées dans les comptes pour masquer l’effondrement de la valeur d’Uramin.
Plusieurs anciens dirigeants du groupe sont mis en examen dans ces enquêtes, dont l’ancien directeur de la division « mines », Sébastien de Montessus.
Anne Lauvergeon, elle, est poursuivie dans le volet comptable. Dans ce dernier dossier, la cour d’appel de Paris doit se prononcer le 17 décembre sur la validité des mises en examen, qui ont été l’objet d’un bras de fer judiciaire à partir de 2017 entre les premiers juges d’instruction, qui refusaient de les prononcer, et le PNF, qui les réclamait.
« S’il s’avérait qu’il y a eu des détournements ou tout autre acte qui soit susceptible d’avoir porté préjudice au groupe, Orano intenterait les actions judiciaires nécessaires à la défense de ses intérêts », a déclaré un porte-parole du groupe nucléaire.