L’annonce de sanctions contre la junte au pouvoir au Mali continue de susciter des réactions diverses. Le colonel Assimi Goita appelle les Maliens à une « mobilisation générale »ce vendredi 14 janvier sur tout le territoire et à la prière pour trouver un consensus suite à l’annonce par la CEDEAO de sanctions contre la junte au pouvoir au Mali.
Les chefs d’États et des gouvernements des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont adopté dimanche de lourdes sanctions contre le Mali en réponse au retard pris dans la tenue des élections après une transition de 18 mois.
Le gouvernement du colonel malien Assimi Goita, qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en août 2020 suivi d’un second putsch, a proposé le mois dernier une période de transition de cinq ans, arguant que l’insécurité chronique rendait impossible la tenue d’élections en toute sécurité.
« Mobilisation générale » et « prière »pour faire face aux sanctions
La fermeture des frontières avec de nombreux pays frontaliers membres de la CEDEAO fait naître des inquiétudes au sein de la population. Le Mali est un pays enclavé dont l’approvisionnement en denrées dépend beaucoup des échanges commerciaux avec ses voisins comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Le président de la transition, le colonel Assimi Goita s’est dit ouvert au dialogue avec la CEDEAO mais appelle tout de même les Maliens à une « mobilisation générale » vendredi 14 janvier sur tout le territoire et à la prière pour trouver un consensus entre les intérêts supérieurs du peuple malien et le respect du principe de l’organisation. Il s’est adressé au peuple lundi soir dans un discours télévisé.
La Guinée solidaire de « la République sœur du Mali »
Le Mali peut compter sur le soutien de la Guinée, dirigée elle-même par une junte militaire. Dans un communiqué lu lundi soir sur les antennes de la télévision nationale, les autorités guinéennes ont fait savoir que les frontières du pays resteraient ouvertes au Mali.
« Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) tient à informer l’opinion nationale et internationale que la République de Guinée n’a, par conséquent, en aucune façon été associée à la décision du 4e sommet extraordinaire des chefs d’États de la CEDEAO en date du 9 janvier 2022 relative aux sanctions prises contre la République sœur du Mali. En conséquence, le CNRD réaffirme que les frontières aériennes, terrestres et maritimes de la République de Guinée restent toujours ouvertes à tous les pays frères conformément à sa vision panafricaniste », a déclaré la Lt colonel Aminata Diallo, porte-parole du CNRD.
La décision de la junte guinéenne de rester solidaire avec son voisin a suscité des réactions mitigées.
Nombreux sont ceux qui pensent, explique Makeme Bamba, correspondante à Conakry, que la Guinée a bien agi puisque le pays reste pour le moment suspendu des instances de l’organisation sous régionale. Conakry est donc en droit de ne pas se soumettre aux nouvelles décisions de la CEDEAO.
« La presque totalité des leaders politiques consultés ont une position unanime – pour eux, la décision de la Guinée est légitime », précise Makeme Bamba.
Faya Millimouno du Bloc Liberal dit que la Guinée ne peut appliquer une décision à laquelle elle n’a pas été associée, ajoutant que la CEDEAO ne devrait pas prendre de mesures contre le Mali, un pays qui fait déjà face à un défi sécuritaire.
D’autres ne comprennent pas pourquoi le gouvernement du colonel Mamady Doumbouya a agi de manière si tranchée. Ils estiment que Conakry ne doit pas se départir des décisions de la CEDEAO. Même si elle est suspendue, la Guinée reste membre fondateur de la CEDEAO.
La transition guinéenne est aussi dans le viseur des dirigeants de la CEDEAO depuis le renversement du président guinéen Alpha Condé par un coup d’État le 5 septembre 2021.
La CEDEAO a suspendu la Guinée de ses instances et sanctionné individuellement les membres de la junte dirigée par le colonel Mamady Doumbouya, le président de la transition.
La Guinée et le Mali sont séparés par une frontière de 858 km délimitée lors de la colonisation française. Les deux nations ont souvent été qualifiées de « deux poumons d’un même corps ».
La mise en garde de l’Algérie voisine
Alger souhaite ainsi attirer l’attention des dirigeants militaires au Mali sur les probables conséquences politiques, sécuritaires et économiques d’une « longue transition ».
Le colonel Assimi Goita s’est dit ouvert au dialogue avec la CEDEAO
Selon le chef de l’Etat algérien, une transition d’une durée de 12 à 16 mois était raisonnable et justifiable. Abdelmadjid Tebboune l’a fait savoir au ministre malien des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qu’il avait reçu le 6 janvier dernier.
Par ailleurs, Alger se dit disposé à accompagner le Mali et la CEDEAO dans la recherche de solution.
L’Algérie exhorte « toutes les parties à faire preuve de retenue et à renouer le dialogue, afin que la région puisse éviter une escalade des tensions et une exacerbation de la crise. »
L’Algérie partage une frontière de 1 400 kilomètres avec le nord du Mali, et a été un acteur clé dans la signature en 2015 d’un accord de paix entre Bamako et des groupes rebelles Touaregs.
Quelles conséquences pour les populations maliennes ?
Depuis la fermeture des frontières de la CEDEAO, le trafic est perturbé entre le Mali et les pays voisins. Alors que certains bus ont décidé de rester dans la gare, d’autres se rendent à la frontière, avec des passagers qui traversent illégalement les frontières.
Issiaka Souaré, enseignant chercheur à l’université général Lansana Conté Sonfonia à Conakry considère que « la confrontation n’est pas la solution » et que l’organisation sous régionale devrait trouver des solutions alternatives « plus raisonnables » face à la situation.
« Du point de vue Malien, ces sanctions, lourdes et très dures, sont assorties d’un jugement sur leur légitimité voire de leur bonne foi » at-t-il déclaré, ajoutant que si ce sont les autorités qui sont ciblées, ‘ les populations vont certainement être frappées ».
Quelles sont les sanctions prises par la CEDEAO ?
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a adopté dimanche une série de mesures punitives pour cause de retard du retour des civils au pouvoir.
La situation est extrêmement préoccupante pour certains transporteurs qui, bloquês aux frontières, craignent les pertes de marchandises.
Celles-ci portent notamment sur la fermeture des frontières entre le Mali et les États membres de l’organisation, le gel des avoirs maliens au sein de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la suspension du Mali de toute aide financière des institutions financières de la CEDEAO mais aussi la suspension des transactions avec Bamako, à l’exception des produits médicaux et des produits de première nécessité.
La CEDEAO a également décidé de retirer les ambassadeurs de tous les pays membres du Mali.
La compagnie aérienne Air France a confirmé qu’elle ne pourra pas assurer la desserte de Bamako « en raison de tensions géopolitiques régionales. »
Aujourd’hui, le Mali fait face à des défis encore profonds liés à l’instabilité politique, économique, sociale et sécuritaire du pays et de la région du Sahel.