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Une nouvelle génération de moustiquaires contre le paludisme

 

   
Cette nouvelle moustiquaire doit son succès à l’addition de deux classes d’insecticides

    Elle peut éliminer jusqu’à 75% des moustiques et rester efficace après 20 lavages

    D’autres tests sont encore requis pour que l’approbation de l’OMS soit définitive

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient de recommander provisoirement l’usage d’une nouvelle génération de moustiquaires imprégnées plus efficaces pour la prévention du paludisme.

 
Baptisée Interceptor G2 et développée par le groupe chimique allemand BASF, cette moustiquaire est imprégnée d’un mélange de deux classes d’insecticides.
 
Selon les articles relatifs à cette innovation publiés dans les revues Malaria journal et Plos, il y a d’un côté, l’alpha-cyperméthrine encore appelée pyrethroïde. C’est le produit dont sont imprégnées les moustiquaires actuellement utilisées pour se protéger contre les piqûres de moustiques…
 
De l’autre côté, il y a le chlorfénapyr, un type d’insecticide jusque-là utilisé dans l’agriculture et pour la lutte contre les parasites urbains ; mais qui n’avait pas encore été expérimenté en santé publique.

    “Durant les études, Interceptor G2 a systématiquement tué de grandes proportions, environ 75%, de vecteurs du paludisme devenus résistants aux pyréthroïdes”
Selon les explications d’Egon Weinmueller, responsable des questions de santé publique chez BASF, ce dernier produit « fonctionne contre les insectes résistants et il est plus approprié pour imprégner les mailles et le polyester des moustiquaires avec une formulation plus durable, plus efficace et plus sécurisée ».
 
« Mais, poursuit-il, sa caractéristique la plus importante est qu’il a un mode d’action complètement différent de celui des insecticides conventionnellement utilisés en santé publique ; ce qui le rend idéal pour lutter contre la résistance aux insecticides ».
 
A en croire Tarik Jasarevic du service des relations presse de l’OMS contacté par SciDev.Net, « les résultats des tests d’Interceptor G2 en laboratoire et sur le terrain à une petite échelle ont été évalués par le programme d’évaluation des pesticides de l’OMS (WHOPES[1]) lors de sa réunion du 20 au 24 mars 2017 ». Ce qui a débouché sur la recommandation formulée par l’organisation.
 
Les tests en question sur l’efficacité d’Interceptor G2 ont été effectués dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne dont la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, la Tanzanie et le Bénin.
 
Dans ce dernier pays, ils ont été réalisés grâce à une collaboration entre l’Ecole d’hygiène et de médecine tropicale de Londres (LSHTM[2]) et le Centre de recherche entomologique de Cotonou (CREC).
 
SciDev.Net s’est entretenue avec Corine Ngufor, l’un des chercheurs qui ont effectué ces expériences au Bénin.
 
Performances
 
Selon son témoignage, « les moustiquaires ont été testées avant et après lavage contre les moustiques dans des essais en laboratoires et dans des habitations du sud du Bénin où les moustiques sont devenus résistants aux insecticides actuellement utilisés ».
 
« Durant ces études, Interceptor G2 a systématiquement tué de grandes proportions, environ 75%, de vecteurs du paludisme devenus résistants aux pyréthroïdes. Ces résultats surpassent ainsi les performances des moustiquaires standard qui n’en ont tué qu’environ 20% », confie-t-elle.
 
D’après son récit, cette nouvelle moustiquaire reste efficace même après avoir été lavée jusqu’à 20 fois.
 
Les constats de Corine Ngufor sont comparables à ceux que révèle l’étude publiée en mai 2017 par le Malaria Journal sur ce sujet et qui porte sur des tests effectués au Burkina Faso.
 
Les auteurs de cette étude ont procédé à des tests dans des cabanes expérimentales avec des moustiquaires imprégnées de l’alpha-cyperméthrine d’une part, du chlorfénapyr d’autre part et d’un mélange des deux insecticides enfin.
 
« Parmi toutes les moustiquaires testées, la combinaison du chlorfénapyr et de l’alpha-cyperméthrine a entraîné une plus forte mortalité des moustiques après 20 lavages », concluent les chercheurs qui remarquent néanmoins que cette efficacité diminue au fur et à mesure des lavages
 
Une décennie de recherches
 
Ainsi, soutient Egon Weinmueller, « ce nouveau type de moustiquaire imprégnée restera efficace pendant un minimum de trois ans ».
 
La mise au point de la moustiquaire Interceptor G2 est l’aboutissement d’un travail de longue haleine qui a nécessité une décennie de recherches collaboratives entre le BASF, la LSHTM, le CREC et l’IVCC[3] pour proposer une solution à la résistance croissante des moustiques aux insecticides utilisés jusqu’ici…
 

    “Des garanties de 100% ne sont pas possibles, mais les scientifiques pensent que ce principe actif sera très peu susceptible de développer une résistance »
    Egon Weinmueller
    Responsable santé publique, BASF

« L’étude a été un défi du début à la fin. Le chlorfénapyr est un nouvel insecticide pour la lutte antivectorielle et les méthodes actuelles d’évaluation des produits de lutte antivectorielle ne sont pas toujours appropriées. L’équipe a dû être créative et très patiente dans son approche pour explorer pleinement le potentiel d’Interceptor G2 tout en restant conforme aux lignes directrices établies de l’OMS », relève Corine Ngufor.
 
Aussi les chercheurs pensent-ils que cette nouvelle génération de moustiquaires a de beaux jours devant elle, même s’ils reconnaissent qu’il n’est pas possible d’atteindre l’efficacité absolue du produit.
 
« Le chlorfénapyr a un mode d’action complètement différent de celui des autres classes d’insecticides de santé publique ; il fonctionne dans les mitochondries des cellules et perturbe la capacité du moustique à produire de l’énergie », explique Egon Weinmueller.
 
« Parce qu’il est métabolisé dans l’insecte avant qu’il ne commence à perturber la production d’énergie, il est très difficile pour le moustique de développer une résistance génétique et de la transmettre à sa progéniture », poursuit le chercheur.
 
Résistance
 
Egon Weinmueller ajoute que « les formulations à base de chlorfénapyr ont été utilisées dans l’agriculture et le contrôle de ravageurs urbains pendant environ 20 ans et il n’existe actuellement aucune résistance connue.
 
« Bien sûr, conclut-il, des garanties de 100% ne sont pas possibles, mais les scientifiques pensent que ce principe actif sera très peu susceptible de développer une résistance. »
 
Pour autant, l’OMS n’est pas encore complètement convaincue de la viabilité du produit et insiste sur le caractère « provisoire » de sa recommandation.
 
Tarik Jasarevic de son service des relations presse indique en effet que « la recommandation provisoire de l’OMS pour Interceptor G2 repose uniquement sur son évaluation en tant que moustiquaire imprégnée de l’insecticide pyréthroïde de longue durée ».
 
« L’impact sur la santé publique né de l’addition du chlorfénapyr n’a pas été évalué ni établi. Afin de démontrer l’impact combiné d’Interceptor G2 sur le paludisme et sur la santé publique, il a été demandé à BASF de présenter ses plans pour les essais épidémiologiques et de finaliser les résultats de ces études en vue d’un nouvel examen », souligne l’intéressé.
 
En même temps qu’il se prépare pour produire ces données supplémentaires, le groupe chimique allemand prend d’ores et déjà les dispositions pour rendre le produit disponible dès la fin de l’année 2017 dans les pays où la maladie sévit de manière endémique ; soulignant au passage qu’il devra être distribué gratuitement grâce à diverses subventions.

Source SCIDEV

http://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/paludisme/actualites/nouvelle-generation-moustiquaires-paludisme.html

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