Depuis 2016, le Niger s’est illustré par un leadership exemplaire dans la gestion des redditions des ex-combattants de Boko Haram. En lançant un programme structuré de prise en charge et de réintégration, le pays a mis en place des solutions durables pour renforcer la stabilité et favoriser la réconciliation nationale.
Lors du 5ᵉ Forum des Gouverneurs du Bassin du Lac Tchad, le Général de Brigade Mahamadou Ibrahim Bagadoma, gouverneur de la région de Diffa, a présenté l’approche nigérienne face à ce défi complexe, en mettant en lumière les cadres institutionnels et opérationnels mis en place, ainsi que les défis rencontrés et les leçons apprises.
Dès le 26 décembre 2016, le gouvernement nigérien a pris une décision audacieuse en lançant un appel à la reddition des membres de Boko Haram. Cette initiative s’est traduite par l’intégration des ex-combattants dans un Programme National de Prise en Charge des Repentis (PNPCR).
L’objectif était clair : accorder une clémence aux individus déposant volontairement les armes, afin de leur offrir une opportunité de reconstruction et de réintégration pacifique dans la société.
En 2022, une avancée significative a été enregistrée avec la mise en place de la Coordination Nationale des Programmes de Stabilisation et de Prise en Charge des Reddition (CNPS/R), via l’arrêté N°000537. Cette entité joue un rôle crucial dans la gestion et la coordination des programmes de stabilisation et de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) pour les ex-combattants. L’État nigérien a démontré une volonté politique forte en renforçant ce cadre institutionnel à travers un programme national adopté en 2021, garantissant ainsi une continuité et une adaptation des initiatives aux réalités du terrain.
Sur le terrain, l’État nigérien a mis en place des infrastructures spécifiques pour la réhabilitation et la formation des repentis. Le Centre de Réinsertion Socio-économique de Goudoumaria, inauguré en juillet 2017, constitue une référence en la matière. Depuis son ouverture, il a accueilli 960 repentis en six vagues successives jusqu’en 2024. Ces individus bénéficient d’une formation dans divers corps de métier tels que la plomberie, la couture et l’électricité, leur permettant ainsi de retrouver une autonomie économique.
Afin de répondre aux besoins croissants et d’élargir les capacités d’accueil, un nouveau centre a été ouvert en juillet 2024 à Hamdallay. Ces infrastructures témoignent de l’ambition du Niger de ne pas se limiter à un simple processus de désarmement, mais d’assurer une réinsertion socio-économique durable des ex-combattants, clé de voûte de la stabilisation à long terme.
La réussite du programme nigérien repose sur une implication multisectorielle de différents acteurs :
L’État et ses institutions : La CNPS/R assure une coordination efficace entre le niveau national et les régions, sous l’impulsion des gouverneurs et des préfets.
Les partenaires internationaux : Des organismes tels que le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) et l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) apportent un appui logistique, technique et financier.
Les autorités coutumières et religieuses : Elles jouent un rôle crucial dans la réconciliation et l’intégration des repentis, notamment en facilitant leur accès à la terre et en menant des campagnes de sensibilisation auprès des communautés.
Le système judiciaire : Un tri rigoureux est effectué pour distinguer les individus éligibles à la réinsertion de ceux ayant commis des crimes de sang, ces derniers étant systématiquement traduits en justice.
Cette approche globale permet de garantir un équilibre entre justice, réhabilitation et sécurité collective.
Malgré les avancées notables, plusieurs défis majeurs demeurent :
Certaines familles, notamment celles des victimes de Boko Haram, expriment des réserves quant au retour des repentis. Cependant, des campagnes de sensibilisation menées par les autorités locales et les leaders religieux permettent progressivement de lever ces résistances.
Les centres de réinsertion doivent être renforcés en termes d’infrastructures et de ressources humaines. Une diversification des formations professionnelles est également nécessaire pour garantir une meilleure employabilité des ex-combattants dans différents secteurs.
Boko Haram étant une menace transnationale, une collaboration accrue entre les pays du Bassin du Lac Tchad (Niger, Nigéria, Tchad, Cameroun) est indispensable. À cet effet, le Niger travaille actuellement à l’élaboration d’une stratégie nationale DDR/R, qui servira de modèle pour l’ensemble de la région.
Pour pérenniser les acquis et garantir le succès à long terme du processus de DDR, plusieurs recommandations sont formulées :
Renforcer les capacités des centres d’accueil, notamment en augmentant leur capacité d’hébergement et en élargissant les offres de formation.
Promouvoir une approche harmonisée entre les pays du Bassin du Lac Tchad, afin de mieux gérer les flux de repentis et éviter toute reconstitution de groupes armés dans les zones transfrontalières.
Accroître l’implication du secteur privé dans l’insertion professionnelle des ex-combattants, via des partenariats public-privé et la création de petites entreprises locales.
Poursuivre les efforts de sensibilisation et de réconciliation communautaire, en mettant en avant des témoignages de repentis réinsérés avec succès.
Le modèle nigérien de gestion des redditions se distingue par son approche inclusive, pragmatique et durable. Grâce à une combinaison de volonté politique, d’engagement des partenaires internationaux et de mobilisation communautaire, le Niger a su poser les bases d’une réintégration réussie des ex-combattants de Boko Haram.
Toutefois, la consolidation de ces acquis nécessite un accompagnement constant, afin d’éviter toute rechute et d’assurer une paix durable dans une région encore marquée par les soubresauts de l’extrémisme violent.
Ainsi, le Niger s’affirme comme un exemple de résilience et d’innovation en matière de stabilisation post-conflit, pouvant inspirer d’autres États confrontés à des défis similaires dans la lutte contre le terrorisme.
Envoyé Spécial Abdoulrazak Abaché