M. le ministre d’Etat, la signature de la convention avec AREVA, qui était tant attendue, s’est finalement déroulée le lundi 26 mai dernier. Peut-on savoir les sentiments qui vous animent après cette signature ?
Après la signature de l’accord renouvelant le partenariat stratégique entre l’Etat du Niger et le groupe AREVA, je suis animé du sentiment du devoir accompli.
J´espère avoir mérité le droit à la fierté de la réussite de la mission à moi confiée par le Président de la République, SEM. Issoufou Mahamadou et le Premier ministre, M. Brigi Rafini, qui ont toujours été soucieux de la préservation des intérêts du Niger et de son peuple dans ces négociations.
Il vous souviendra que nous avons dénoncé, en son temps, la part dérisoire, évaluée à hauteur de 5%, que représentaient les revenus tirés de l’uranium dans notre budget.
L’arrivée à terme des précédentes conventions, le 31 décembre 2013, nous donnait l’occasion de tout remettre à plat pour renégocier avec nos partenaires une nouvelle convention plus équilibrée, plus juste, c’est-à-dire qui prenne en considération les intérêts du Niger avec des recettes plus importantes qui peuvent nous permettre de financer des projets de développement profitables à notre peuple.
Mais il s’agissait aussi de ne pas occulter la viabilité économique et financière des sociétés minières et la préservation de l’emploi au bénéfice des populations nigériennes.
C’est tout cela qui rentre en compte dans une négociation avec un partenaire stratégique et historique, être balloté dans des courants parfois divergents, ou même contraires et antagoniques.
Mais après de longs mois d’échanges, armé de nos convictions patriotiques, nous avons pu mener les négociations à bon port, avec toujours à l’esprit le sacro-saint principe du respect de l’exigence de la défense des intérêts de l’Etat. Résultat, nous avons abouti à un accord que nous estimons juste et équilibré, satisfaisant pour les deux parties.
L’intérêt de ce partenariat, c’est qu’il permet à notre industrie de rester à un certain niveau, surtout dans le secteur minier, et à AREVA d’avoir un approvisionnement constant en ressources naturelles.
Permettez-moi de rendre hommage à l’ensemble des membres de notre équipe impliquée dans les négociations pour leur patriotisme et leur sens de dévouement, sans lesquels la survenance d’un tel accord aurait été difficile.
Je dois aussi souligner que nous rendrons public cet accord, non pas parce que nous y sommes obligés par quelque texte que ce soit, mais au nom de la transparence qui a toujours caractérisé ce gouvernement dans la gestion des affaires publiques.
Quelles sont les éléments clés de l’accord avec AREVA, et en quoi est-il différent de l’ancienne convention ?
D’abord, désormais, c’est la Loi minière nigérienne de 2006 qui s’applique, une loi
plus avantageuse pour le Niger en ce sens qu’elle accroît nos recettes fiscales notamment. Il n’a jamais été question pour nous de transiger sur l’application de cette Loi ; toutes les conventions avec AREVA, comme avec les autres partenaires, seront sous l’empire de cette Loi.
C’est désormais clair pour tout le monde. On a voulu nous faire un mauvais procès en doutant de notre volonté de faire respecter nos lois et d’imposer les intérêts de notre peuple. Mais l’accord du 26 mai a démontré au contraire que notre gouvernement est un gouvernement responsable qui agit selon l’intérêt public.
Ensuite, il sera procédé à la ‘’nigérisation’’ des postes de Directeurs Généraux de SOMAÏR et COMINAK, respectivement en 2014 et 2016.C’est une première depuis plus de quarante ans que ce partenariat existe.
Que gagne le Niger aux termes de ces nouveaux accords signés avec AREVA ?
L’application de la Loi de 2006 va nous permettre d’accroitre nos recettes fiscales, car elle dit qu’en fonction du ratio entre le résultat d’exploitation et le chiffre d’affaire, la taxe de redevance minière peut passer de 5 à 9 et 12%.
C’est donc une augmentation substantielle qu’il faut saluer, car dans l’ancienne, cette taxe était uniquement de 5%. Selon nos prévisions, nous aurons une augmentation de l’ordre de 15 milliards pour la SOMAÏR, et entre 5 et 7 milliards pour la COMINAK. Ce qui fera entre 20 et 22 milliards de recettes supplémentaires pour l’Etat sur une année fiscale.
L’autre aspect positif, c’est la ‘’nigérisation’’ des postes de directeurs généraux de SOMAÏR et COMINAK, respectivement en 2014 et 2016. Au-delà de notre fierté de voir désormais des compétences nigériennes aux commandes de ces sociétés, cela nous permettra de participer plus activement dans la gouvernance de celles-ci.
Nous avons pu obtenir d’AREVA son soutien financier, dans le cadre de certains projets importants en infrastructures et dans le cadre du développement local.
Ainsi, AREVA contribuera à hauteur de 60 milliards de francs CFA dans le financement de la route Tahoua/Arlit (RTA).Ce qui constitue un effort financier considérable. Le complément du financement de la construction de cette route proviendra des fonds qui seront tirés de la redevance que paieront les utilisateurs miniers et industriels de cette route de l’Uranium qui sera donc complètement rénovée après plusieurs années de calvaire enduré par les utilisateurs vu son piteux état.
La vallée de l’IRHAZER aussi verra l’accélération de sa mise en valeur pour une enveloppe à hauteur de 11 milliards de FCFA, un projet qui participera considérablement à la sécurité alimentaire.
Enfin, AREVA construira un immeuble d’une valeur de 6,5 milliards de FCFA pour abriter toutes les sociétés minières liées à ses activités. Il est important de préciser que cet immeuble sera la propriété de l’Etat, qui percevra les droits de location. Jamais un gouvernement n’a obtenu un tel résultat avec un investisseur.
Je pense que ce sont des acquis considérables qui participeront au développement de notre pays, et dont il faut se féliciter.
Vous avez dû faire des concessions par rapport à certains points comme l’exploitation du gisement d’Imouraren. Qu’est-ce qui justifie cette attitude du gouvernement nigérien ?
Il ne s’agit pas en vérité de concessions. Il s’agit d’être lucide et responsable en regardant la situation en face. Le marché actuel de l’uranium est morose et déprimé, car depuis la catastrophe de Fukushima, les prix connaissent une baisse drastique.
Actuellement, ils ne permettent pas la rentabilité de l’exploitation du gisement d’Imouraren.
Comment peut-on imaginer amener des productions supplémentaires sur le marché ? Il n’y aura aucune logique commerciale dans cette attitude. Cela contribuera à rendre ce marché davantage encore plus déprimé.
Donc, en toute responsabilité, nous avons convenu de la mise en place d’un comité stratégique paritaire Etat du Niger/AREVA qui décidera du calendrier de sa mise en production en fonction de l’évolution du marché, c’est-à-dire au moment opportun.
Nous reprendrons les investissements au plus tard le 1er Janvier 2017 Incha-Allah. Nous sommes confiants, les cours de l’uranium repartiront sans doute à la hausse, car l’électricité nucléaire est la moins chère du monde.
Pourtant, malgré tous les résultats obtenus, certaines voix s’élèvent pour critiquer certains aspects de l’accord, notamment la question de la TVA et le calendrier d’Imouraren ?
Oui, j’ai en effet entendu certaines critiques de personnes qui ont raté une belle occasion de se taire. C’est vrai que pour certains, cet accord n’est pas bon puisqu’il ne leur procure aucune commission, ainsi qu’ils y étaient habitués dans un passé très récent. Pour les autres, les critiques relèvent de l’ignorance quand elles ne sont pas le fruit d’une instrumentalisation politique.
Sinon, comment comprendre que certains affirment, de manière éhontée, que la loi minière 2006 sera changée avant le 30 juin 2014 pour faire droit aux requêtes d’AREVA. Ces allégations sont contraires à la vérité et ses auteurs seront concaincus de propos mensongers Inch Allah. Ils se trompent de régime et d´années. Nous ne sommes ni en 2001, ni en 2006 encore moins en 2008. Les initiés comprendront.
En ce qui concerne la TVA, il n’a jamais été question d’exonérer SOMAIR et COMINAK de la TVA. La TVA est une taxe supportée par les produits et services consommés sur le territoire national ; par conséquent l’uranium destiné à l’exportation ne supportera pas la TVA. Ceci est un principe universel. Les Nigériens connaissent bien ce mécanisme qui leur permet de détaxer, c’est-à-dire de se faire rembourser la TVA sur les marchandises avec lesquelles ils quittent le territoire fiscal.
A la vérité, ils pensaient que le gourvernement allait faiblir pour leur donner l’occasion d’en faire leurs choux gras. Eh bien, qu’ils se rassurent, ce gouvernement est sérieux et conscient de sa responsabilité. Cela démontre à suffisance la mauvaise foi des thuriféraires de service.
C´est bien dommage. Car il faut bien le souligner pour le regretter, certains acteurs de la société civile n’ont de civil que le nom. Nous connaissons leurs engagements politiques et chez qui ils prennent leurs directives nocturnes. Je suis prêt à un débat politique national sur le sujet afin que chacun présente ses résultats au peuple qui appréciera.
A la vérité, ces prétendus acteurs de la société civile ont un autre agenda aux antipodes de celui de la défense des intérêts du peuple. On ne cherche pas à sauver le Niger mais plutôt le ‘’soldat Ryan’’.
En ce qui concerne Imouraren, nous avons opté pour la meilleure solution dans l’intérêt du Niger. Si le cours du baril de pétrole est monté à plus de 100 USD, c’est bien parce que l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) a su bien réguler les productions. Et c’est dans cette optique que nous sommes. Le prix du kilogramme d’uranium est passé de 175. 000 FCFA en 2007, à 35. 000 FCFA en 2014.
Si les producteurs d´uranium continuent à mettre des tonnes supplémentaires sur le marché, on risquerait de se retrouver avec le kilogramme d’uranium à 10. 000 FCFA, avec les conséquences économiques et sociales désastreuses.
Je sais que ça n’émouvra pas certains, mais c’est de la responsabilité de notre gouvernenent d’anticiper et de gérer au mieux les affaires publiques dans l’intérêt de notre peuple. Le Programme de Renaissance ambitionne de créer des industries nouvelles et des emplois, et non d´engendrer des externalités négatives.
Les Nigériens ont apprécié cet accord, et c’est là l´essentiel, car c’est à eux que nous devons des comptes et non à cette nouvelle race de Centaure mi-politique, mi-société civile, passée As dans la critique systématique, mais totalement incapable de faire des propositions objectives.
Vous parlez de baisse de prix de l´uranium, à quel prix se vendra désormais le kg d’uranium nigérien?
Oui, comme je viens de le dire, le cours de l’uranium au 4 juin 2014 est de 35. 000 FCFA le kg sur le marché Spot. Grâce à l’accord de partenariat stratégique, l´uranium nigérien se vendra à plus de 59. 000 FCFA le kg. C’est dire les efforts que vont fournir nos partenaires qui auraient mieux gagné en achetant sur le marché. Négocier, c’est aussi ça.
Mais pour mieux éclairer les Nigériens, permettez-moi une petite comparaison, car on dit qu’une chose ne paraît importante que quand elle est comparée. En 2007, lors des négociations avec AREVA, le gouvernement de l’époque n’a pu vendre le kilogramme d’uranium nigérien qu’à 55. 000 FCFA, alors que le cours du kg était à plus de 175. 000 FCFA, soit seulement 30% du spot, pendant que nous avons, nous vendu le kg à plus de 170% du spot. Mais ça, ils n’en parlent pas, allez savoir pourquoi.
Quelles sont les perspectives qu’offre globalement le secteur minier du Niger ?
Il vous souviendra que le Programme de Développement Economique et Social (PDES) a fixé des orientations générales au secteur minier. Celles-ci reposent sur trois axes stratégiques que sont la gestion intégrée des ressources minérales, le développement de l’exploitation minière à petite échelle et la gestion durable de l’environnement minier.
Donc, au regard de ce qui précède, mon département ministériel a en charge la mise en œuvre de ces stratégies à travers trois programmes relatifs à l’amélioration des connaissances sur le potentiel minier, la gestion du patrimoine minier et l’amélioration du cadre institutionnel.
Ces programmes permettront à terme d’assurer un meilleur suivi des activités minières; de diversifier la production minière pour les communautés; et d’assurer une meilleure gestion du secteur minier.
Ainsi, les perspectives suivantes peuvent être envisagées: la poursuite du développement minier du Liptako et l’extension de l’exploration aux autres provinces métallo géniques (Damagaram-Mounio, sud-Maradi, Aïr et Ader-Doutchi) ; la mise à contribution de la coopération internationale pour le financement des programmes et projets de réalisation d’infrastructures de base ; la mise en place d’un programme social minier et d’un fonds de développement minier ; la relance de l’exploitation des gisements d’or de Samira, de Libiri et alentours ; la promotion des exploitations minières à petites échelle sur les gisements marginaux mis en évidence par les sociétés de recherche ; la mise en exploitation des gisements de charbon de Salkadamna (dans la région de Tahoua) en vue de la satisfaction des besoins nationaux en énergie ; la construction des cimenteries de Keita et de Kao ; la révision du Code minier pour le rendre conforme à la Constitution et au Traité de l’UEMEOA; l’assistance aux exploitants miniers artisanaux ; l’intensification de la recherche qui à terme, conduira à la découverte de nouveaux gisements comme en témoignent les activités menées sur les 68 permis en vigueur.
Comme vous le constatez, les perspectives sont intéressantes. Les Nigériens n’ont pas besoin de lendemains qui chantent, ils veulent chanter toujours au présent.
Nous avons l’ambition de faire jouer au secteur minier son rôle de moteur du développement de notre pays dans le cadre du vaste et ambitieux Programme de Renaissance du Niger, credo de S.E ISSOUFOU MAHAMADOU, Président de la République, Chef de l’Etat.
Il s’agit d’intensifier la diversification de la recherche et du développement du secteur minier pour contribuer davantage à l’amélioration du PIB et des soldes de la balance des paiements, ainsi que des recettes des collectivités locales.
Oumarou Moussa