Le ministre de la Ville et de la Salubrité Urbaine, M. Habi Mahamadou Salissou, était, samedi dernier, à la tribune de l’Assemblée nationale pour répondre à une requête en interpellation du député Soumana Sanda relativement à l’opération dite déguerpissement des commerces installés sur des voies et autres domaines publiques.
La séance de réponses données par le ministre à la question d’interpellation a été suivie d’un débat avec un temps d’intervention proportionnel à la taille des groupes parlementaires. Nous publions dans leur intégralité les questions du député Soumana Sanda et les réponses du ministre Habi Mahamadou Salissou.
Questions d’interpellation du député Soumana Sanda
« Monsieur le Ministre,
Dans la nuit du 29 au 30 août 2016, les autorités régionales de Niamey ont déclenché une opération de déguerpissement aux alentours du grand marché et des édifices publics. Cette opération a surpris tant par sa brutalité que par le contexte dans lequel elle est intervenue. En effet, il n’y a pas eu de concertation sérieuse préalable avec les concernés. Par ailleurs, aucun site de relogement de ces milliers de commerçants, qui ne demandent qu’à travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles, n’avait été préalablement déterminé. Pire, l’opération s’est intensifiée à l’approche de la fête de l’AID EL ADA, période particulièrement propice aux activités commerciales en raison de la forte demande exprimée par une clientèle en effervescence.
Plus d’un mois après les destructions massives qui se poursuivent d’ailleurs aujourd’hui encore, le constat est amer : les rues et allées où s’alignaient des boutiques et des kiosques font place à un amoncellement de gravas faisant ressembler Niamey, notre capitale, à la ville d’Alep en Syrie et beaucoup des jeunes victimes qui le peuvent encore ont pris le chemin de l’exode. Niamey est plus que jamais plongée dans l’obscurité et, conséquemment, dans l’insécurité.
Les fonctionnaires, les élèves et étudiants, les malades et leurs accompagnants n’ont plus la possibilité de se restaurer près de leur lieu de travail, d’études ou de soins. Bref, aux yeux de tous, le remède proposé est pire que le mal contre lequel les autorités régionales prétendent agir. Récemment, la ville de Zinder a été, à son tour, touchée par ce même genre d’opérations aux conséquences suffisamment dramatiques.
Cette situation, Monsieur le Ministre d’Etat, nécessite que vous veniez éclairer la Représentation Nationale sur les questions que nos concitoyens se posent à savoir :
1) Quelle est la composition du comité interministériel en charge de cette opération ?
Cette opération est-elle motivée par le Sommet des Chefs d’Etat qui se tiendrait en 2019?
Pourquoi les gouverneurs de Niamey et de Zinder, agissent-ils en lieu et place des maires élus dont c’est la compétence au regard
des dispositions de l’Ordonnance 2010-54 du 17 septembre 2010, portant Code général des Collectivités territoriales ?
Pourquoi les Nigériens ont-ils l’impression qu’il n’y a pas d’équité dans la conduite de cette opération ?
Que proposez-vous comme mesures d’accompagnement à ces nombreux pères et mères de familles qui risquent la faillite ?
6) Quel a été le coût financier de cette opération et par quel budget a-t-elle été supportée ?
7) A combien se chiffre le manque à gagner induit par ladite opération sur les recettes de la DGI, des municipalités concernées et de la NIGELEC, à titre d’exemples ?
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées. ».
Réponse du ministre de la Ville et de la Sabubrité Urbaine, M. Habi Mahamadou Salissou aux questions
Excellence, monsieur le président de l’Assemblée Nationale;
Honorables députés;
J’ai l’honneur de prendre la parole aujourd’hui devant cette Auguste Institution, au nom du Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur, de la Décentralisation, de la Sécurité Publique et des Affaires Coutumières et Religieuses, Président du Comité Interministériel chargé de mettre fin aux privatisations abusives du Domaine de l’Etat et des Réserves Foncières dans les Périmètres des Centres Urbains du Niger, afin d’apporter des éléments de réponse aux questions relatives aux opérations de déguerpissement entreprises par les autorités communales des » Villes de Niamey et Zinder notamment, objet de cette interpellation.
Comme vous le savez, cet exercice est prévu à l’article 98 de notre Loi Fondamentale ainsi qu’au Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale. Mieux, il est la preuve de la vivacité de notre Démocratie. J’ose espérer qu’au-delà des Honorables Députés que vous êtes, ces éléments de réponses permettront aussi d’éclairer l’opinion nationale toute entière sur cette question qui, au demeurant nourrit les conversations et les journaux depuis bientôt un mois.
Excellence monsieur le président;
Honorables députés;
Permettez-moi, avant de vous livrer ces éléments de réponses, de vous faire un bref rappel sur le Domaine public des Collectivités Territoriales.
En effet, le Domaine Public des Collectivités Territoriales est composé d’un domaine public naturel et d’un domaine public artificiel. Le domaine public artificiel comprend entre autres : les emprises des routes communales et régionales ainsi que les dépendances nécessaires à leur exploitation ; les emprises des équipements administratifs scolaires, sanitaires, marchands, sportifs et cultuels relevant de la compétence des communes et des régions, ainsi que les infrastructures connexes. De par sa nature, le domaine public est Inaliénable, Insaisissable et Imprescriptible. Le domaine public immobilier des Collectivités Territoriales ne peut faire que l’objet d’occupation temporaire à titre précaire et révocable à tout moment moyennant payement d’une redevance.
Toutefois, les collectivités peuvent transférer leurs pouvoirs de gestion à des concessionnaires dûment agréés. C’est sur la base de ce texte que les communes donnent des autorisations d’occupation du domaine public de voirie pour la construction des kiosques.
A l’origine, ces autorisations concernaient certaines voies spécifiques, notamment, à l’occasion de la préparation des 5èmes jeux de la francophonie. Cette occupation s’est opérée dans une frénésie et un rythme tels que nos villes ont été dénaturées. Le phénomène est élargi à pratiquement toutes les voies de Niamey, pire, au lieu de l’installation provisoire comme l’attestent les autorisations décernées par les Collectivités, les constructions ont été réalisées en matériaux définitifs. Certains se sont même offert le luxe de construire des bâtiments à étage sur la voie publique !
Cette situation s’est traduite par un encombrement des voies de circulation et une défiguration de la ville ; En définitive cette opération s’est révélée être un fonds de commerce pour certaines personnes qui pratiquaient de ce fait une concurrence déloyale aux structures de gestion des marchés.
Excellence, monsieur le Président;
Honorables députés;
Pour revenir à l’actualité, il vous souviendra que suite à la présentation du Programme Niamey Nyala aux Honorables Députés dans cet hémicycle, ils ont à l’unanimité pris l’engagement d’accompagner le Programme pour faire de notre capitale la ville dont les Nigériens ont tant rêvé à travers les objectifs suivants : « réunifier et rééquilibrer la ville ; rendre la ville plus accueillante et plus agréable à vivre ; accroître son accessibilité aux transports multimodaux ; favoriser enfin son rayonnement de capitale politique, culturelle ainsi, que sa fonction de pôle économique régional ». Dans le cadre de sa mise en œuvre, plusieurs réalisations ont vu le jour depuis l’installation des autorités de la 7eme République.
Cependant, tous les efforts n’ont pas permis de moderniser notre capitale et changer son image, à cause des encombrements de la voie publique du fait presque essentiellement du phénomène des kiosques en centre-ville. Ces encombrements sont des prémices à une insécurité en gestation dans notre capitale. Aussi, face au péril qui guette les grandes villes du Niger et plus singulièrement Niamey, la Capitale, à laquelle le Président de la République et le Gouvernement s’activent sans Relâche à améliorer l’image, le Gouvernement ne peut rester sans agir. Déjà en 2012, le Conseil communal a adopté une délibération pour le démantèlement des kiosques. Ainsi, il a engagé les Autorités régionales et municipales à entreprendre toutes opérations s’inscrivant dans le cadre de la modernisation des villes et du retour de la paix et de la quiétude sociales.
Excellence, monsieur le Président;
Honorables députés;
Après cette contextualisation, permettez-moi à présent de répondre aux différentes questions posées par l’Honorable député.
1. Question N° l, relative à la composition du comité interministériel en charge de cette opération le comité est-créé par arrêté N°00152/PM du 02 septembre 2016.
Il est ainsi composé :
Président : le Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur, de la Décentralisation, de la Sécurité Publique et des Affaires Coutumières et
Religieuses ;
Premier Vice-président: le Ministre de la Ville et de la Salubrité Urbaine ; Deuxième Vice-président: le Ministre des Domaines et de l’Habitat ;
Premier Rapporteur : le
Directeur Général de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation ;
Deuxième Rapporteur : le Directeur de la Gestion du Domaine Foncier Public
Membres : Le Ministre d’Etat, ministre des Transports ; le ministre de la Justice, Garde des Sceaux ; le Ministre de l’Environnement et du Développement durable ; le Ministre de la Renaissance Culturelle, des Arts et de la Modernisation Sociale ; un Représentant de la Direction Générale de la Législation et du Contentieux de l’Etat ; le Gouverneur de la Région de Niamey ; le Président du Conseil de Ville de Niamey ; le Haut Commissaire au Programme Niamey Nyala.
Pour mener à bien sa mission, le Comité Interministériel a retenu les axes d’intervention suivants : le déguerpissement des kiosques ; l’enlèvement des panneaux non réglementaires ; la lutte contre la vente ambulante des animaux ; la lutte contre l’exposition et la vente des véhicules d’occasion sur la voie publique. L’objectif recherché étant le désengorgement des voies publiques, la sécurité autour des administrations et des établissements scolaires.
« Il vous souviendra d’ailleurs que les Scolaires ont fait de cette action un point de revendication. Comme je l’ai rappelé au début de mon intervention, le Code Général des Collectivités Territoriales prévoit la révocation de toute occupation à première réquisition et proscrit toute construction en matériaux définitifs. En principe aucun problème ne doit se poser si les lois de la République que vous votez sont exécutées à la lettre.
L’opérationnalisation des actions a été confiée aux responsables régionaux. A cet effet, des comités ad ‘hoc ont été créés par axe d’intervention. Avant de passer à la démolition il a été organisé dans chaque entité, des rencontres avec toutes les parties concernées de près ou de loin. A Niamey le programme a été le suivant : Rencontre 1 : rencontre avec les responsables des marchés à bétail.
Rencontre 2: rencontre avec les responsables de la SOCOGEM et les délégués des commerçants à l’intérieur et à l’extérieur du grand marché en présence du Commissaire du grand marché de Niamey ; Rencontre 3: rencontre avec les représentants des syndicats des vendeurs de véhicules d’.occasion ; Rencontre 4: rencontre avec les représentants des syndicats des transporteurs ; Rencontre 5: rencontre avec les leaders religieux.
A l’issue des rencontres, une fois le consensus trouvé, un préavis a été donné individuellement à chaque opérateur concerné. Notification en a été faite par voie d’huissier par le Maire, Président du Conseil de Ville ou par le Directeur de la SOCOGEM selon le cas. Comme vous le voyez, cette démarche, voulue participative, proscrit tout effet de surprise.
La question N° 2 est relative à la motivation de l’opération. Comme vous le voyez, la principale motivation est le défi sécuritaire et l’ambition de moderniser notre capitale et les Chefs-lieux de régions, qui, à travers le «Programme Niamey Nyala et l’organisation des fêtes tournantes du 18 décembre bénéficient d’infrastructures modernes. C’est pourquoi, à Niamey, l’opération est inscrite dans le cadre de la mise en œuvre du Programme Niamey Nyala avec le concours du Président du Conseil de Ville et les Maires des Arrondissements communaux.
La Conférence des Chefs d’Etat de l’Union Africaine est le fruit de l’offensive diplomatique menée par les Autorités de la 7eme République, et, si elle doit se tenir à Niamey en 2019, il va falloir créer les conditions de sa bonne organisation, notamment rendre notre capitale digne de l’accueillir.
3ème question. Les Gouverneurs des Régions ont le pouvoir de police administrative sur l’ensemble du Territoire de leur région. Les Maires ont ce pouvoir -uniquement sur les territoires communaux. Dès lors chaque responsable est bien fondé de par les dispositions de l’Ordonnance 2010-54 du 17 septembre 2010, portant Code Général des Collectivités territoriales, à diriger ces genres d’opération.
4ème question : cette opération se déroule en toute équité car, à ce jour, aucun cas de favoritisme ne nous a été rapporté. Au demeurant, le Comité Interministériel ne tolérera jamais ces pratiques. Cependant, il faut reconnaître que la lenteur du rythme des démolitions et de ramassage des gravats peut susciter certaines extrapolations. C’est une opération qui va durer dans le temps.
5ème question : elle est relative aux mesures d’accompagnement. Dans le cadre de l’opération, le Comité Interministériel a ordonné au Gouverneur et aux Maires de Niamey de créer les conditions pour la réinstallation des commerçants déguerpis.
Ainsi, il a été procédé aux actions suivantes à court terme : inventaire et affectation des places disponibles au niveau des marchés de Niamey à certains commerçants dans des conditions souples ; identification et aménagement de certains équipements marchands et d’autres équipements publics pour réinstaller les déguerpis. Outre ces actions il faut préciser que le Ministère de la Ville et de la Salubrité Urbaine est en négociation très avancée avec des partenaires pour l’aménagement des marchés à Niamey. Cette opération démarrera très bientôt avec les marchés Bonkaney et Boukoki. A terme chaque équipement marchand offrira au moins 3000 places.
6ème question : le coût financier ne peut être déterminé avant la fin de l’opération qui est en cours. Il est pris en charge par le budget de la Ville de Niamey.
7ème question: on ne peut parler de manque à gagner dans le temps puisque les activités sont simplement déplacées. Mais nous reconnaissons qu’il y aura un glissement au niveau des recouvrements. Il appartient alors aux services concernés de procéder à une nouvelle identification des commerçants au niveau de leurs nouveaux sites.
Excellence Monsieur le président;
Honorables députés;
Au terme de mon intervention, je voudrais rappeler à chacun que le rêve de tous les Nigériens est de voir la capitale, Niamey, se classer au rang des capitales modernes de la sous-région. Vous convenez avec moi que ce rêve ne peut se réaliser sans agir. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le président, Honorables Députés, d’accompagner le Gouvernement dans cette noble marche vers la modernité de notre capitale. A la société civile, aux médias ainsi qu’aux leaders religieux et aux chefs traditionnels, je leur demande de s’impliquer pleinement pour que cette opération soit une réussite et l’amorce d’un véritable développement de notre capitale.
Je vous remercie de votre aimable attention ! ».
Onep