Le père de la Révolution cubaine Fidel Castro est décédé vendredi soir à La Havane à l’âge de 90 ans, a annoncé son frère Raul, qui lui a succédé au pouvoir en 2006.
« Le commandant en chef de la Révolution cubaine est décédé à 22h29 ce soir » (03h29 GMT samedi), a annoncé Raul Castro en lisant une déclaration sur l’antenne de la télévision nationale.
« L’organisation de l’hommage funèbre qui lui sera donné sera précisée » ultérieurement, a-t-il ajouté dans cette brève allocution conclue par un tonitruant: « Jusqu’à la victoire, toujours! » (« Hasta la victoria, siempre »), l’antême bien connue du Comandante.
Le président Raul Castro n’a pas révélé les causes du décès, mais il a précisé que sa dépouille serait incinérée.
Il avait abandonné en avril 2011 ses dernières responsabilités officielles, en cédant son poste de premier secrétaire du Parti communiste de Cuba (PCC) à Raul, numéro deux du parti depuis sa fondation en 1965.
De l’écolier méritant de Birán à l’étudiant contestataire, de l’avocat au révolutionnaire, nous vous invitons à revivre la révolution cubaine à travers la trajectoire de celui qui l’a incarnée: Fidel Castro, mort ce vendredi à l’âge de 90 ans.
Fidel Castro lors du sommet ibéroaméricain de 1989, à la Havane.
Fidel Castro lors du sommet ibéroaméricain de 1989, à la Havane.• Crédits : Christophe Simon – AFP
Si Fidel Castro est mort ce vendredi 25 novembre à l’âge de 90 ans, la vie du Lider Maximo est déjà dans les livres d’histoire. L’homme avait régné sur Cuba pendant plus de 50 ans, depuis sa victoire contre le dictateur Batista en 1959. Pour retracer le parcours du révolutionnaire, dont la vie illustre une grande part des fracas du monde de l’après-seconde guerre mondiale, France Culture vous propose l’écoute de ce documentaire exceptionnel en cinq volets diffusé à l’antenne en 2011 dans le cadre d’une Grande traversée. Le producteur Xavier Arthuys et la réalisatrice Christine Diger sont partis sur les traces de Castro, sur l’île, à la Havane et sur les lieux de son enfance, pour
Partie 1 : l’enfant de la montagne de Biran
La maison de la famille Castro à Biran – photo de 2011
La maison de la famille Castro à Biran – photo de 2011• Crédits : Christine Diger – Radio France
Depuis la gigantesque propriété de son père Don Angel Castro à Birán, où il naquit en 1926, le jeune Fidel suit attentivement la lutte des Républicains espagnols dans la presse qu’il lit régulièrement pour ses proches, analphabètes comme les quatre cinquièmes de la population locale. Elève méritant, il est envoyé dès ses cinq ans à Santiago de Cuba suivre une éducation religieuse jésuite conservatrice aux accents nationalistes.
Oliver Twist. La dictature de Batista amène le jeune « rebelle sans cause », dont les modèles sont Oliver Twist et David Copperfield, à adopter peu à peu une conscience politique de gauche. Alors qu’il étudie le droit à l’Université de la Havane, Fidel candidate pour le poste de président de la Fédération des étudiants universitaires, et s’oppose au représentant du gouvernement. Des pressions sont exercées à son encontre. Il s’impose alors peu à peu en rassemblant d’autres étudiants opposés au régime de Grau San Martín et en employant l’intimidation par les armes.
Le jeune militant est rapidement touché par l’engagement politique de Eduardo Chibás , fondateur du parti orthodoxe. Au décès de celui-ci, Fidel est déterminé à reprendre la dénonciation de la corruption au sein du régime de Batista, en s’exprimant notamment dans la presse ainsi qu’à la radio, dans le même créneau hebdomadaire occupé par les discours que Chibás adressait à ses partisans.
L’étude de l’économie capitaliste à l’Université aguerrit ses convictions politiques. Celles-ci sont exacerbées par un anti-communisme répandu dans une population d’étudiants pour la plupart socialement privilégiés, bien que lui-même soit issu d’une famille aisée. Sa lutte prend des accents révolutionnaires lorsque, en 1947, il dirige l’expédition de Cayo Confites contre Trujillo , dictateur de la République dominicaine, puis, en 1948, lorsqu’il part soutenir l’insurrection populaire à Bogota – le Bogotazo – faisant suite à l’assassinat de Jorge Eliécer Gaitán, le très populaire leader du parti libéral colombien.
Partie 2 : la révolution
Le second coup d’état, en 1952, du leader nationaliste Fulgencio Batista devient déterminant dans la volonté de Fidel Castro de s’engager dans une lutte révolutionnaire pour le pouvoir. L’attaque de la caserne Moncada à Santiago de Cuba, fief de la junte militaire dirigée par Batista, le 26 juillet 1953, affirmera Fidel Castro comme le leader de la lutte révolutionnaire contre le régime.
L’opération se soldera par un échec et des pertes humaines importantes, majoritairement dûes aux représailles perpétrées par le régime. Fidel parvient à fuir pour se réfugier dans les montagnes, avant de se faire arrêter quelques semaines plus tard. L’événement donnera son nom au Mouvement du 26 juillet qui portera plus tard Castro et ses hommes à la Havane.
Fidel Castro au milieu de ses hommes, le 8 janvier 1959.
Fidel Castro au milieu de ses hommes, le 8 janvier 1959.• Crédits : UPI – AFP
Le « Che ». Le 21 septembre 1953, Fidel Castro est jugé pour l’exemple. Il usera de ses fonctions d’avocat pour assurer sa propre défense. Malgré sa célèbre plaidoirie intitulée “l’Histoire m’absoudra” , il sera incarcéré presque deux ans, d’octobre 1953 à mai 1955, à l’île des Pins. Suite à sa libération, Fidel Castro part s’exiler au Mexique, où il préparera la révolution avec Raul, son petit frère, et Ernesto Guevara, le Che.
D’après Raul Castro, la rencontre avec le Che aurait eu lieu un soir de juillet 1955 lors de son exil à Mexico. Malgré quelques dissensions idéologiques et des cultures différentes de par leurs formations – Che Guevara est médecin, les deux hommes partagent une même vision internationaliste de la révolution. S’ils préparent ensemble leur stratégie militaire pour prendre le pouvoir à La Havane, le Che a d’ores-et-déjà l’intention de poursuivre la lutte en Argentine. Il restera aux côtés de Fidel Castro à Cuba jusqu’en 1965.
Retour à La Havane. En décembre 1956, après avoir suivi un entrainement militaire intensif au Mexique, Fidel, accompagné de quatre-vingt-un hommes armés dont le Che, reviennent à Cuba, embarqués dans le petit yacht Granma. Attendus par l’armée de Batista, l’équipée fut surprise par celle-ci et aussitôt contrainte, aussitôt débarquée, de se réfugier dans les champs de canne à sucre, avant de fuir à nouveau et d’atteindre la Sierra Maestra . Cet événement marque le début d’une guérilla longue et violente, pensée, selon ses dires, d’après l’exemple des Républicains espagnols. La lecture de Pour qui sonne le glas de Hemingway inspirera sa campagne, ainsi que l’instauration d’une “éthique dans les conditions spécifiques de la lutte cubaine”, et pouvant s’avérer “rentable”.
Le 1er janvier 1959, Fulgencio Batista, plus impopulaire que jamais, et ayant perdu le soutien des Etats-Unis, décide de fuir l’île en laissant le pouvoir à une junte militaire sous la tutelle de Eugenio Cantillo. Le lendemain, deux colonnes de l’armée rebelle dirigée par Camillo Cienfuegos et le Che entrent dans La Havane et s’emparent de la Caserne Columbia, fief de la junte, et de la forteresse de la Cabaña.
Le mouvement du 26 juillet se dote alors d’un nouvel organe de presse, le journal Revolución . Dès le 3 janvier, le peuple cubain apprend la constitution d’un nouveau régime qui s’établit peu à peu dans tout Cuba, jusqu’à ce que le gouvernement révolutionnaire approuve, à Santiago, la Loi fondamentale de la République, fondée sur les principes de la Constitution de 1940. Fidel Castro devient commandant en chef des forces de terre, air et mer de la République, son frère Raul est nommé chef des forces armées en Oriente, et Erneste Guevara devient Procureur suprême de la prison de la Cabaña. Manuel Urrutia est nommé Président de la République.
Partie 3 : au sein de la Guerre froide, Cuba a fait trembler le monde
Outre le succès politique de Castro après le putch, la révolution rencontre rapidement ses limites. Quelques-unes de ses premières initiatives susciteront l’émoi de la communauté internationale. Le nouveau régime établi organise des “tribunaux révolutionnaires” dans le cadre desquels comparaîtront dans des stades d’anciens militaires batistiens avant d’être fusillés. De plus, Washington perçoit d’un mauvais oeil la nationalisation de nombreuses sociétés industrielles, commerciales et bancaires étrangères implantées à Cuba, ainsi que la vaste réforme agraire, allant à l’encontre des intérêts américains.
La discorde entre les deux pays prendra une dimension militaire le 15 avril 1961, lorsque des bombardiers américains peints aux couleurs de l’armée cubaine attaquent l’aviation révolutionnaire à Santiago et la Havane. Deux jours plus tard, une flotte de mille cinq cent batistiens exilés et entrainés par la CIA débarque sur la Playa Girón, à l’entrée orientale de la baie des cochons.
L’opération se solde par un échec; plus d’un millier de militaires batistiens sont faits prisonniers. Castro négocie leur libération contre une indemnisation financière de deux millions de dollars en espèces et une cargaison de médicaments et produits alimentaires. Suite à cet évennement, Castro gagne en popularité. Il proclame, dès le lendemain de l’attaque aérienne le caractère “socialiste” de la révolution.
Fidel Castro avec le leader soviétique Nikita Kroutchev, à Moscou en mai 1963.
Fidel Castro avec le leader soviétique Nikita Kroutchev, à Moscou en mai 1963.• Crédits : Tass – AFP
Khroutchev , alors premier secrétaire du parti communiste de l’URSS, engage en octobre 1962 le déploiement de missiles balistiques à moyenne portée sur le sol cubain. Cet événement clé de la Guerre Froide pousse la tension entre les deux blocs à son comble. Un embargo est aussitôt établi autour de Cuba par les Etats-Unis. L’issue de cette situation sera finalement négociée entre l’URSS et les USA, qui s’engageront à ne pas envahir Cuba contre le non-déploiement sur l’île des missiles russes.
Partie 4 : je t’aime, je te hais
Fidel Castro donne un discours sur une pluie intense, en juin 1989 à la Havane
Fidel Castro donne un discours sur une pluie intense, en juin 1989 à la Havane• Crédits : Rafael Perez – AFP
Les décennies qui suivent la Guerre Froide sont marquées par un totalitarisme reconnu de toute part, et dénoncé par nombre de cubains exilés fuyant un régime ternissant, polémique après polémique, l’image du Líder Máximo. La comparution pour trafic de drogue du Général Ochoa puis son exécution, en 1989, alors que sa popularité était à son comble, suscite l’émoi dans la population cubaine et confirme la détermination de Castro à maintenir le pouvoir.
Partie 5 : l’automne du patriarche
Après près de cinquante années de révolution, Fidel Castro a cédé le pouvoir à son frère Raul en 2006 avant de lui confier la tête du Parti Communiste Cubain le 19 avril dernier. En raison de sa fatigue, de son âge, et de sévères crises intestinales, les apparitions et interventions publiques de Fidel Castro se sont raréfiées. Raul, son frère et ancien compagnon d’armes, tente de préserver le socialisme au sein de l’île.
En vue toutefois de mettre en place une économie mixte et d’assouplir ses relations avec les Etats-Unis, ce dernier s’engage dans des réformes de grande envergure : il promet la fin de l’égalitarisme, le développement des transports en commun, mais aussi la vente de téléphones mobiles et d’ordinateurs – mais sans internet !
Il s’engage aussi à mettre un terme à la libreta , un carnet de gestion du rationnement des Cubains en produits alimentaires aux frais de l’Etat, une mesure qui pourrait livrer la population à une indescriptible misère.Parallèlement à ce contexte social anémique, fruit de privations reléguant la vie cubaine à un autre temps, une culture faite d’espoirs et de rêves d’évasion s’est construite peu à peu. Gràce notamment au soutien d’un public venu de tous les horizons du monde, la musique et la danse locale ont imprégné le portrait d’un peuple bien déterminé, lui aussi, à vivre malgré tout.
Xavier Arthuys