Selon une étude, les pays à revenu faible ou intermédiaire pourraient voir les décès dus au VIH, à la tuberculose (TB) et au paludisme augmenter jusqu’à 36% au cours des cinq prochaines années en raison des perturbations des services de santé induites par la COVID-19.
D’après le rapport mondial 2019 sur le paludisme, on estime que 228
millions de cas de la maladie sont survenus dans le monde en 2018, la
région Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) signalant 213 millions de cas, soit 93%.
En 2017, environ 2,5 millions de personnes avaient contracté la
tuberculose en Afrique subsaharienne et 665 000 d’entre elles en étaient
mortes.
L’étude prévoit que sans accès au traitement antirétroviral pour le VIH,
au diagnostic et au traitement de la tuberculose en temps opportun et à
la fourniture de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée
d’action contre le paludisme pendant la pandémie de COVID-19, les décès
dus au VIH pourraient augmenter de 10%, avec des chiffres pour la
tuberculose et le paludisme respectivement de 20 et 36 %.
« Des millions de personnes dépendent des services de lutte contre le
VIH, la tuberculose et le paludisme et nous sommes préoccupés par
l’impact que de telles perturbations pourraient entraîner », déclare
Timothy Hallett, co-auteur de l’étude et professeur à l’Imperial College, basé à Londres au Royaume-Uni.
“Des millions de personnes dépendent des services de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme et nous sommes préoccupés par l’impact que de telles perturbations pourraient entraîner”
Timothy Hallett, Imperial College, Londres, Royaume-Uni
Il explique que les épidémies peuvent avoir des conséquences négatives
sur les services de santé si les personnes ne peuvent ou ne veulent pas
se faire soigner, ou si les systèmes de santé sont débordés.
« Lors de l’épidémie d’Ebola en Guinée
en 2014, plus de personnes supplémentaires sont mortes du paludisme
plutôt que d’Ebola cette année-là en raison d’une moindre administration
de traitements antipaludiques », indique l’étude.
Timothy Hallett affirme que le VIH, la tuberculose et le paludisme sont
parmi les causes les plus courantes de décès dans de nombreux pays
d’Afrique subsaharienne.
« Des réductions significatives ont été enregistrées ces dernières
années en de nombreux endroits, grâce à des programmes qui ont été
intensifiés », dit-il.
Les chercheurs ont utilisé un modèle informatique pour créer différents scénarios afin d’examiner les effets de différentes politiques sur les décès dus au VIH, à la tuberculose et au paludisme.
« Nos résultats soulignent les décisions extrêmement difficiles
auxquelles sont confrontés les décideurs. Si elles sont bien gérées, des
interventions à long terme pourraient empêcher un plus grand nombre de
décès en évitant une pandémie de COVID-19 », indique l’étude publiée
dans le Lancet Global Health le 13 juillet 2020.
« Cependant, si les interventions ne sont pas bien gérées, elles
pourraient entraîner une forte augmentation des décès dus à d’autres
causes », peut-on lire.
Maintien du traitement
Timothy Hallett confie à SciDev.Net que les interventions visant à minimiser l’impact comprennent le maintien du traitement pour les personnes sous thérapie antirétrovirale, la poursuite du diagnostic en temps opportun et l’initiation du traitement contre la tuberculose ainsi que la poursuite de la distribution de moustiquaires.
« Mais cela doit être fait d’une manière qui n’augmente pas le risque de transmission de la COVID-19 », dit-il. « Plus précisément, pour le VIH, pour éviter d’avoir à se rendre plusieurs fois dans les pharmacies, la principale recommandation est de passer à des ordonnances de plusieurs mois, si les niveaux de stock le permettent ».
Halima Dawood, scientifique principale honoraire au Centre pour le programme de recherche sur le sida en Afrique du Sud, indique à SciDev.Net que ces résultats pourraient s’étendre au-delà du VIH, du paludisme et de la tuberculose pour s’appliquer à d’autres maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension.
Elle ajoute que la prise en charge des systèmes de livraison aux patients, comme les cliniques mobiles et les services de messagerie, fait partie des considérations les plus importantes.
«Ces résultats sont importants en ce qu’ils renseignent sur l’impact possible dans différents scénarios. Cela met également en évidence la nécessité d’une intervention urgente en ces temps difficiles », déclare Halima Dawood, qui n’a pas participé à l’étude. SCIDEV en partenariat Niger Express