Monsieur le secrétaire exécutif du Conseil de l’Entente, vous êtes au Niamey depuis le 8 mars 2015. Pouvez-vous nous dire dans quel cadre s’inscrit votre présence au Niger ?
Je vous remercie de m’avoir donné la parole pour préciser dans quel cadre je suis venu au Niger. Comme vous le savez, le Niger est un pays membre du Conseil de l’Entente qui rencontre actuellement des problèmes extrêmement difficiles à cause des attaques de la secte Boko Haram. Dans ce cadre, les Chefs d’Etat du Conseil de l’Entente sont déjà passés à Niamey pour apporter leur soutien aux autorités du Niger.
Dès lors, il est apparu nécessaire que le Secrétariat Exécutif du Conseil de l’Entente fasse de même. Nous sommes donc venu pour apporter notre soutien au Président de la République du Niger, S.E. Issoufou Mahamadou, président en exercice du Conseil de l’Entente, à son Gouvernement, au peuple nigérien et aux Forces de Défense et de Sécurité. Nous avons profité de cette occasion pour présenter aussi nos condoléances aux familles éplorées. Quand nous sommes arrivé au Niger, nous avons appris qu’un téléthon était organisé pour soutenir les Forces Armées déployées à Diffa dans la lutte contre la nébuleuse secte Boko Haram.
Et nous avons donc décidé de participer à ce téléthon en contribuant à hauteur de 50 millions de FCFA au nom du Conseil de l’Entente. Notre visite à Niamey a été aussi mise à profit pour aller inaugurer les installations solaires dans les villages de Sabongari-Foga et Bara, dans la commune rurale de Yélou, département de Gaya. Ces populations ont bénéficié de l’électricité par système solaire photovoltaïque.
Financé par le Conseil de l’Entente à hauteur de 42 millions de francs CFA, ce projet s’inscrit dans le cadre de l’accès à l’électricité en milieu rural. Le projet a permis l’électrification de 100 ménages, de 2 salles de classe, 2 centres de santé, 4 mosquées et 2 places publiques dans les villages de Sabongari-Foga et Bara. Cette électrification va modifier complètement les conditions de vie de ces populations.
Une autre information capitale, c’est que nous allons soutenir la lutte traditionnelle qui se déroule actuellement à Agadez. Ce championnat de lutte, comme vous le savez, est un événement culturel et sportif majeur au Niger.
Or, le Conseil de l’Entente avait décidé de soutenir, dans chacun de nos pays, un événement culturel et sportif majeur. Au Burkina Faso, nous venons d’appuyer le FESPACO où le Conseil de l’Entente a décerné un trophée à un jeune réalisateur, accompagné d’une somme de 10 millions de FCFA. Ici au Niger, nous allons soutenir la lutte traditionnelle avec un trophée et un prix qui seront remis en appui à la fédération et au Ministère de la Jeunesse et des Sports.
Le conseil de l’entente est l’une des premières organisations d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Il a connu des moments de léthargie avant de voir ses activités relancées. Quelles sont désormais ses nouvelles orientations dans un contexte caractérisé par des menaces sécuritaires ?
Le Conseil de l’Entente monte progressivement en puissance parce que la charte a été signée seulement le 5 décembre 2011 à Cotonou par les Chefs d’Etat. L’équipe du secrétariat exécutif a commencé à prendre fonction depuis le 2 janvier 2012. Nous avions consacré les années 2012 et 2013 à la nomination, par les différents organes, des responsables du Secrétariat Exécutif, puis à l’adoption des textes régissant le fonctionnement de l’institution. C’est à partir de l’année 2014 que le Conseil de l’Entente a repris ses activités sur la base d’un plan stratégique 2013-2016 adopté à la conférence des Chefs d’Etat. Ce plan stratégique a fixé des objectifs très clairs au secrétariat exécutif.
Les Chefs d’Etat ont dit qu’il faut renforcer la coopération politique, culturelle et sécuritaire entre les Etats; réaliser des projets de nature à améliorer les conditions de vie des populations, surtout rurales, et enfin renforcer le Secrétariat Exécutif pour qu’il soit très opérationnel. Pour cela, nous venons de faire faire, par un cabinet, une étude diagnostique de la gouvernance politique et sécuritaire des Etats de l’espace Entente.
A partir de cette étude, des mécanismes de prévention, de médiation et de règlement des conflits doivent être proposés aux Chefs de l’Etat lors du prochain sommet. Par rapport aux projets, il faut dire que ce qui vient d’être fait au Niger, on l’a déjà fait dans les autres pays. Nous avons un programme d’hydraulique villageoise et d’électrification rurale. C’est un programme que nous avons démarré en 2014.
Il sera poursuivi tout au long de cette année 2015 et dans les années suivantes. Dans le cadre de ce programme, nous avons réalisé 5 forages au Burkina Faso. Cette année, nous allons continuer ce travail dans les autres pays. Et à l’occasion du tirage de la franche commune entente, il sera réalisé une infrastructure communautaire par le Conseil de l’Entente dans le pays où se fera ce tirage. Ce dernier a eu lieu au Burkina Faso en 2013 où il a été construit un Collège d’Enseignement Général à 272 km de Ouagadougou. En 2014, c’était au Togo où une école primaire a été construite, avec un forage dans un village à 120 km de Lomé.
Cette année, il revient au Niger de bénéficier de cette intervention du Conseil de l’Entente, et dans ce cadre, nous allons construire un Centre de Santé Intégré dans une localité. Voilà ce que le Conseil de l’Entente est en train de faire malgré ses faibles moyens. Il faut savoir qu’on n’a pas beaucoup de ressources. C’est pourquoi nous espérons pouvoir mobiliser les ressources importantes afin que nous puissions intervenir, de façon efficace, et à la grande satisfaction de nos populations. Nous avions été particulièrement heureux de partager la joie avec les populations de Sabongari Faga suite à l’électrification de leur village.
Le projet de la boucle ferroviaire est incontestablement le premier projet pour relancer l’intégration dans l’espace Entente. Pouvez-vous nous expliquer davantage le processus de ce projet sur lequel les populations fondent beaucoup d’espoir ?
C’est un projet majeur pour nos pays. Au départ, le secrétariat exécutif a été chargé de suivre le projet. Les Chefs d’Etat l’ont aussi suivi de leur côté. Ils ont eu à négocier avec les opérateurs économiques ici au Niger, et au Burkina Faso. Et Dieu merci, les opérateurs économiques sont en train d’exécuter le projet dans ces pays. Comme vous le voyez ici, au Niger, le tronçon Niamey- Parakou-Cotonou a débuté. C’est un projet qui est conforme parce qu’on a commencé à l’exécuter au niveau des pays du Conseil de l’Entente.
Est-ce qu’il existe d’autres projets intégrateurs sur lesquels le prochain sommet du Conseil de l’entente doit s’appuyer ?
Ce qui nous a été fixé comme objectifs, c’est ce que je vous ai dit. Les Chefs d’Etat ont clairement dit que les projets concernant la gouvernance politique, culturelle et sécuritaire sont les aspects majeurs de leur combat contre le sous-développement. C’est pourquoi les Chefs d’Etat nous ont dit de nous focaliser sur le renforcement de la gouvernance politique et sécuritaire, ainsi que sur des projets de nature à améliorer les conditions de vie des populations, afin de les sortir de la pauvreté et de la misère. C’est cela le vrai combat. Si au bout de notre plan stratégique 2013-2016, nous avons des réalisations concrètes et que les Chefs d’Etat jugent de la nécessité d’ajouter d’autres objectifs, c’est tant mieux. En ce moment, nous allons nous occuper par exemple de l’interconnexion et des réseaux électriques dans nos pays, etc.
Vous avez certainement sillonné, Monsieur le secrétaire exécutif, tous les pays de l’espace Entente. Quel commentaire peut-on faire de la gouvernance politique dans ces pays, et quel est l’état de la coopération entre les pays membres du Conseil de l’Entente?
L’étude diagnostique a été faite, le dossier a été remis aux différents ministres membres du Conseil des ministres, et aux experts membres du Comité des experts du Conseil de l’Entente qui vont aussi l’examiner et le proposer aux Chefs d’Etat lors du prochain sommet Conseil de l’Entente. S’agissant de la coopération entre les Etats membres du Conseil de l’Entente, moi personnellement, j’ai été agréablement impressionné par le niveau de la coopération entre ces pays. En 2013, au moment où nous faisions le rapport d’activités, on a voulu voir un peu le niveau d’intégration des pays du Conseil de l’Entente. Et nous avons pris 10 indicateurs d’intégration, en l’occurrence la langue, la monnaie, la libre circulation des personnes et des biens, les réseaux routiers, les réseaux de la téléphonie, les échanges commerciaux entre ces pays etc. Il faut dire qu’au niveau de ces indicateurs, les pays sont vraiment intégrés. Cela veut dire que ces pays peuvent aller encore plus loin parce qu’ils ont beaucoup de choses en commun telles que la langue officielle (le Français); la monnaie (le franc CFA) ; le droit des affaires (OHADA) ; le droit comptable (SYSCOA) etc. Bref, le degré d’intégration est impressionnant, sans compter le brassage culturel des populations.
D’ici quelques mois, ou dans un an au plus tard, il sera organisé des élections dans presque tous les pays membres du Conseil de l’Entente. Quel sera l’appui de cette organisation à ces échéances électorales?
C’est exact ce que vous dites. Nous avons le calendrier électoral. Effectivement les pays membres du Conseil de l’Entente vont passer par des élections locales, législatives et présidentielles dans ces périodes indiquées. Lors de la dernière réunion du conseil des ministres, des dispositions ont été prises. Nous allons envoyer des observateurs dans ces pays pendant les périodes électorales. La réunion du conseil des ministres nous a demandé, en tant que Secrétariat Exécutif du Conseil de l’Entente, de nous concentrer sur les élections majeures que sont les présidentielles et les législatives. Je le répète encore, on n’a pas beaucoup de moyens, mais autant que possible, il faut qu’on mutualise les moyens avec les organisations comme l’UEMOA et la CEDEAO afin d’envoyer nos observateurs dans les pays pendant les périodes électorales.
Quelles ont été les actions réalisées par le Conseil de l’Entente dans les 5 pays membres, et quelles sont les perspectives pour l’avenir ?
Nous étions assez sceptiques au départ parce qu’on ne connaissait pas bien l’organisation. Et personnellement, j’ai été impressionné quand j’ai commencé à lire les archives du Conseil de l’Entente. Impressionné par ce que les pères-fondateurs avaient fait en leur temps. Manifestement, c’était une organisation communautaire de solidarité, et beaucoup d’actions ont menées en faveur des populations. Plus de 6000 puits avaient été réalisés au niveau de l’espace Entente. C’est dire que dans chacun des pays du Conseil de l’Entente, il y avait eu au moins plus 1000 puits, sans compter les différents projets vivriers, de l’élevage etc. Les Chefs d’Etat actuels avaient pris les projets intégrateurs. Ils ont tenu à ce que le Conseil de l’Entente soit redynamisé.
En tant que secrétaire exécutif, nous avons compris, en regardant les archives, la nécessité de la relance des activités du Conseil de l’Entente. D’abord, parce que le Conseil de l’Entente (CE) est une organisation de proximité et de solidarité. Ensuite, parce qu’il y a beaucoup d’affinités entre les pays du Conseil de l’Entente. Des raisons qui ont amené les Chefs d’Etat concernés à saisir la mesure de l’importance de ce que peut apporter cette organisation, non seulement dans le cadre de l’intégration au niveau des cinq Etats membres, mais également au niveau de la sous-région et même du Continent africain.
Ce n’est pas un hasard si le Conseil de l’Entente a été la toute 1ère organisation d’intégration en Afrique de l’Ouest, et qui survit. Il y a eu d’autres qui n’ont pas survécu. Et quand l’équipe du Secrétariat Exécutif du Conseil de l’Entente avait vu ce travail abattu par les fondateurs, elle s’est mise à travailler conformément aux directives données par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de notre organisation commune. Ces directives sont claires: renforcement de la coopération politique, culturelle et sécuritaire, et réalisation des projets de nature à améliorer les conditions de vie des populations.
C’est dans ce sens que des études ont été menées par le Conseil de l’Entente dans les cinq pays concernés. Il s’agit, à terme, d’améliorer la gouvernance, la paix et la sécurité comme conditions préalables du développement dans l’espace. Le grand combat est mené contre le sous-développement et la pauvreté. Par rapport à l’épidémie de la maladie à virus Ebola, il faut dire que les pays qui sont touchés font frontières avec les pays du Conseil de l’Entente. C’est pourquoi il est souhaitable que les populations continuent à respecter scrupuleusement des consignes des autorités, même si le mal a baissé d’intensité. Selon les statistiques de l’OMS, la barre de 1000 cas de décès est franchie. C’est dire qu’il faut toujours rester vigilant.
Hassane Daouda