Issoufou Alfaga Abdoulrazak est le premier sportif nigérien qualifié pour les Jeux olympiques 2016. Ce grand espoir du taekwondo rêve de décrocher la deuxième médaille de l’histoire de son pays. Même s’il doit composer avec un manque de moyens financiers.
L’espoir tout entier du Niger pour les prochains Jeux olympiques d’été repose sur un jeune champion de taekwondo. Il s’agit d’Issoufou Alfaga Abdoulrazak, qui pratique avec brio cet art martial coréen.
Ce taekwondoïste de 20 ans a décroché sa place aux JO 2016, lors d’un tournoi de qualification en février à Agadir au Maroc. Un exploit pour le Niger. Car ses athlètes participent généralement aux Jeux grâce à des invitations délivrées par le Comité internationale olympique (CIO).
Il vise la deuxième médaille olympique de l’histoire du Niger
« En décrochant cette qualification, j’ai ressenti quelque chose de fort, raconte avec émotion Issoufou Alfaga Abdoulrazak. Parce que mon rêve, c’est de gagner l’or à Rio. Ce serait la deuxième médaille du Niger. Parce que mon pays n’en a pas eu depuis 1972. C’est l’année où ma mère est née ! » Aux Jeux de Munich, le boxeur Issaka Daborg avait en effet décroché le bronze, seul et unique podium olympique de l’histoire du Niger.
Issoufou Alfaga Abdoulrazak semble en mesure d’imiter son aîné. Le Nigérien est actuellement 13e au classement mondial, chez les plus de 80 kilogrammes. Une performance d’autant plus remarquable qu’Issoufou Alfaga Abdoulrazak est le plus jeune membre du top 20 dans sa discipline.
Le grand rival en Afrique du Gabonais Anthony Obame
Issoufou Alfaga Abdoulrazak a en outre marqué les esprits en décrochant la médaille d’or aux Jeux africains 2015, en septembre à Brazzaville. Le Nigérien y avait battu en finale le Gabonais Anthony Obame, devenue une véritable icône du taekwondo africain grâce à ses titres de vice-champion olympique 2012 et de champion du monde 2013.
« J’avais perdu contre Obame en finale des Championnats d’Afrique 2015, rappelle celui qui nourrit encore un petit complexe. Obame, c’est mon champion. Il m’a donné le courage de continuer le taekwondo. Mais je n’ai pas le choix : je dois le battre ! Je viens d’une région de guerriers. Chez moi, on ne perd pas deux fois contre la même personne ».
Un cousin mort à cause d’un combat de taekwondo
Issoufou Alfaga Abdoulrazak a pourtant bien failli ne jamais percer dans le taekwondo. La mort d’un de ses cousins en 2001, suite à un combat, effraie le père d’Abdoulrazak. Ce dernier interdit donc à ses enfants d’en faire. « On n’était pas content évidemment, grimace-t-il. Parce qu’on avait peur de nous dans le quartier, quand on faisait du taekwondo. Dès que quelqu’un nous cherchait des ennuis, c’était « pim » ! »
Parti vivre chez un oncle, au Togo, le gamin de 11 ans en profite pour renouer avec son sport préféré. « A Lomé, j’amenais mes petits cousins aux entraînements, explique-t-il. Mon oncle ne voulait pas que j’y participe. Mais un jour, j’ai emprunté le dobok [tenue de combat en taekwondo, Ndlr] d’un ami et j’ai repris en cachette. Le maître du dojo a accepté que je m’entraîne comme ça, jusqu’à ce que l’équipe nationale du Bénin essaie même de me récupérer ».
Un surnom en hommage au Malien Daba Modibo Keita
Issoufou Alfaga Abdoulrazak, décide plutôt de rentrer à Niamey en 2012, où il a déjà gagné un surnom : « Daba Junior ». Un hommage à son idole, le géant malien Daba Modibo Keita, champion du monde en 2007 et en 2009, chez les lourds. « Je regardais tous ses combats, sourit le Nigérien. J’ai pleuré lorsqu’il a perdu face à l’Italien Carlo Molfetta, en demi-finale des JO 2012 ».
Comme Keita, Abdoulrazak culmine à près de 2 mètres 05. La longueur de ses jambes compense largement un manque de maîtrise et d’expérience. « J’en suis là grâce à mes parents et au Bon Dieu, lance-t-il. Parce que je viens du Niger où les conditions pour progresser ne sont pas bonnes. ». Il soupire : « Nous, les jeunes, nous travaillons dur. Mais l’Etat ne pense pas à nous. C’est parfois difficile d’être nigérien… »
Un devis de 95.000 euros pour préparer les JO 2016
Ces difficultés financières, notamment, poursuivent Issoufou Alfaga Abdoulrazak jusqu’en Allemagne. Ce dernier s’entraîne en effet depuis près plusieurs mois au sein du réputé TCC Friedrichshafen. Il y a effectué d’énormes progrès.
Le club allemand lui a ainsi concocté un ambitieux programme de préparation pour les JO, mais qui coûte tout de même 95.000 euros (62 millions de francs CFA). Abdoulrazak, qui vit péniblement grâce à une bourse et au soutien du Comité olympique du Niger, n’a évidemment pas les moyens de payer un telle somme.
Un appel à l’aide
Le TCC a accepté de s’occuper de lui en attendant que les autorités nigériennes règlent l’addition. Mais le temps passe et Alfaga qui aimerait rester jusqu’aux JO 2020 à Friedrichshafen, avec ses potes l’Algérien Romain Trolliet, le Tunisien Yassine Trabelsi et le Sénégalais Balla Dieye, commence sérieusement à s’inquiéter.
« La Fédération nigérienne de taekwondo est pauvre, soupire-t-il. Seul le ministère des Sports et le gouvernement nigérien peuventt débloquer les fonds pour ma préparation ». Il conclut : « C’est vraiment dur… Sans moyens, le sport de haut niveau n’existe pas. Je fais de mon mieux. Ça fait quatre ans que je combats pour mon pays. Je ne baisse pas les bras. Je me mets en tête que ça va changer. Beaucoup de gens veulent faire comme moi. Mais s’ils voient à quel point c’est difficile pour moi, ils risquent de baisser les bras. »