»Avec la construction d’abattoirs modernes, aptes pour l’exportation, les retombées pour les éleveurs et pour notre pays seront énormes »

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Monsieur le ministre, le Niger est un pays d’élevage par excellence. Pouvez-vous nous présenter succinctement la situation du cheptel et les investissements faits dans ce secteur?

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Avant de répondre à votre question, permettez-moi tout d’abord de vous dire merci pour l’intérêt que votre journal accorde au secteur de l’élevage dans notre pays. Comme vous le savez, l’économie du Niger est peu diversifiée et les performances économiques du pays sont très dépendantes des résultats enregistrés par les sous-secteurs de l’agriculture et de l’élevage qui représentent 36% du PIB et fournissent 84% des emplois.

Le sous-secteur de l’élevage représente 13 % du PIB national et 40 % du PIB agricole. Ces chiffres démontrent l’importance macro-économique de l’élevage pour la Nation. En 2003, selon le Ministère du Développement Agricole, 23% des recettes d’exportation provenaient des produits de l’élevage. L’élevage emploie près de 87% de la population active du pays et représente, pour l’économie, l’un des secteurs les plus dynamiques (hors industries extractives) et porteurs de croissance. Il contribue pour 13% au PIB national et fournit 7% des recettes d’exportation du pays.

L’activité d’élevage revêt une grande importance pour le Niger, en raison de sa contribution à la richesse nationale et du fait qu’elle concerne une large frange de la population du pays. Sa pratique est très largement liée à la mobilité des hommes et des troupeaux. Celle-ci permet une exploitation de ressources dispersées sur de grandes étendues et une limitation des risques: changement climatique, contexte économique, social et politique.

De par les effectifs de son cheptel, 10.125.767 têtes de bovins, 1.676.318 têtes de dromadaires et 24.130.207 têtes de petits ruminants (DS/MEL, 2013), le Niger constitue, dans la sous-région, un réservoir important de bétail. Malgré les mortalités liées aux crises pastorales successives, les effectifs du cheptel sont en augmentation constante depuis une dizaine d’années, passant de 11.467.543 UBT en 2005 à 14.467.087 UBT en 2012. L’augmentation la plus significative concerne les bovins (+38%) et les caprins (+22%).

Les équins et les camelins enregistrent les taux d’augmentation les plus bas (respectivement 4% et 7%).
Les productions animales contribuent à la satisfaction des besoins alimentaires des populations à hauteur de 25%. La possession d’animaux et la taille des troupeaux déterminent la pauvreté ou la richesse d’une famille et sa capacité à faire face aux crises. Il existe au Niger un savoir-faire des populations bien établi, dans le domaine de l’élevage, notamment dans le domaine de la transformation : le kilichi et le tchoukou ont conquis les pays de la sous-région.

C’est donc conscient des atouts et des potentialités du secteur de l’élevage qui jusqu’ici sont insuffisamment exploités et du rôle moteur joué par ce secteur dans l’économie nationale, que le Gouvernement de la 7ème République, conformément au programme pour la Renaissance du Niger de SEM Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat, a décidé de la création d’un département ministériel en charge de l’élevage afin d’insuffler une nouvelle dynamique à ce secteur.

A cet effet, le Gouvernement met en œuvre la Stratégie de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle et de Développement Agricole Durables, communément appelée Initiative 3N,  »les Nigériens Nourrissent les Nigériens », axe 3  »Sécurité alimentaire et le développement Agricole durable » du Programme de Développement Economique et Social (PDES).

Il s’agit entre autres de mettre l’accent sur  »l’accroissement et la diversification des productions agro-sylvo-pastorales et halieutiques » et  »l’approvisionnement régulier des marchés ruraux et urbains en produits agro-sylvo-pastoraux ».
Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre de l’I3N, il est attendu du sous-secteur élevage une augmentation de la production de viande de 45% et de 40% pour le lait d’ici 2015.

Ce qui nous amène à élaborer et faire adopter, par le Gouvernement, la Stratégie de Développement Durable de l’Elevage  »SDDE 2035 » avec comme vision  »Un Niger où l’élevage, à l’horizon 2035, contribue significativement à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et améliore les conditions socio-économiques des populations à travers une gestion durable de l’environnement ».

Le Président de la République, Chef de l’Etat, SEM. Issoufou Mahamadou, est passé donc d’une éthique de conviction à une éthique de responsabilité à partir de la vision de développement qu’il a proposée au peuple nigérien dont les grandes orientations figurent dans son Programme pour la Renaissance du Niger.

Ainsi, plusieurs investissements ont été réalisés et concernent, prioritairement, les ouvrages d’hydrauliques pastorales, la sécurisation sanitaire des animaux, la construction de magasins et de banques d’aliments bétail, la réalisation de marchés à bétail, des parcs de vaccination du cheptel, l’approvisionnement régulier en aliments bétail, la fabrication des équipements de valorisation des résidus des cultures, etc.

L’élevage emploie près de 87% de la population rurale. Quelles sont les initiatives que votre département ministériel développe en faveur de la filière bétail et dérivés, particulièrement de la viande?

Effectivement, l’élevage constitue au Niger la 2ème activité principale des populations rurales, car 87% d’entre elles le pratiquent de façon exclusive ou secondaire, et 20% vivent exclusivement des activités pastorales. Il se pratique sur environ 62 millions d’hectares d’espace pâturable. Le cheptel est estimé à plus de 39 millions de têtes, toutes espèces confondues, soit plus de 15 millions d’Unité Bétail Tropical pour une valeur estimée à 3 140 milliards de FCFA.
Aussi, faudrait-il le souligner, l’avenir de l’élevage au Niger est prometteur.

En effet, ce secteur fait l’objet d’un regain d’intérêt par les plus hautes autorités du Niger. En témoignent les financements programmés sur le budget de l’Etat dans le cadre de l’Initiative 3N. Avec de tels financements acquis sur le budget de l’Etat et complétés par des financements extérieurs, nous pouvons affirmer sans ambages que ce secteur sera sur la voie d’une croissance soutenue et durable.

En ce qui concerne particulièrement l’industrie de la viande, les initiatives pour son développement ont été axées particulièrement sur l’amélioration du taux d’exploitation du bétail de 10 à 20%, l’amélioration de la production de viande de 45 %, la construction de marchés à bétail et enfin la construction d’abattoirs modernes aux normes internationales, le long de la frontière avec le Nigeria.

Monsieur le ministre, que rapporte à notre pays, en termes de devises, l’exportation du bétail et de la viande, et quels sont les pays partenaires dans ce secteur?

Comme vous le savez, l’élevage est la deuxième source de devises pour le pays après les industries extractives, et constitue un véritable outil d’atténuation du déséquilibre de la balance de paiement du Niger. Il est un facteur déterminant de la sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté. Il intervient à hauteur de 15% dans les budgets des ménages et de 25% à la satisfaction des besoins alimentaires des populations nigériennes.

Le secteur de l’élevage contribue pour environ 13 % au PIB et 24% au PIB agricole en 2010. Les effets positifs sur le PIB sont indéniables.
Aussi, selon une étude pour la branche agriculture, pour les produits agricoles, il faut engager un investissement de 124 milliards de FCFA afin d’espérer une augmentation du PIB de 43 milliards. Concernant l’élevage, il faut des investissements de 11 milliards environ pour obtenir une augmentation de PIB de l’ordre de 37 milliards. Enfin pour l’ensemble Forêts et Pêche, il faut un investissement de 123 milliards de FCFA pour avoir une augmentation de PIB de 40 milliards. Il apparaît ici que la branche élevage est de loin la plus productive du secteur rural.

Sur le long terme, la valeur du Taux de Productivité Marginal du Capital (TPMC) indique que pour une augmentation de un (1) FCFA du PIB de la branche élevage, il faut investir seulement 0,29 FCFA, comparativement à certains sous-secteurs du développement rural qui exigent un investissement de plus de 1Fcfa.
Vous pouvez donc constater que l’élevage, s’il est mieux exploité, pourra assurer le développement économique et social de notre pays.

En ce qui concerne les partenaires de notre pays en matière de commercialisation de bétail et de la viande, ils sont principalement les Etats membres de la CEDEAO, particulièrement le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin et les Etats du Nord de l’Afrique comme la Lybie. Cependant, en raison de la qualité et de la saveur de notre viande, beaucoup de pays sont de plus en plus intéressés par cette dernière. On peut citer entre autres l’Afrique du Sud, la Guinée Equatoriale, l’Arabie Saoudite, le Gabon, etc.

Où en est-on avec la construction de l’abattoir frigorifique moderne dont la convention a été signée avec l’Australie, et dont la pose de la première pierre a eu lieu depuis 2009 ?

L’état de vétusté avancée de l’actuel abattoir frigorifique et la demande soutenue en produits carnés tant au niveau interne qu’externe ont de facto justifié la formulation d’un projet de construction de nouvel abattoir frigorifique répondant aux normes internationales, à Niamey par les autorités de la 5ème République en 2009.

En effet, les travaux de construction dudit nouvel abattoir ont démarré le 1er septembre 2009, mais sont en arrêt depuis le 11 avril 2010 à la suite d’une inspection d’Etat diligentée conduite par l’Inspection Général de l’Etat.

C’est dans ce contexte d’arrêt des travaux que le Premier ministre, Chef du Gouvernement de la 7ème République, SEM Brigi Rafini, a effectué le 13 avril 2012 une visite sur le site du nouvel abattoir. A l’issue de cette visite, des instructions ont été données au ministre de l’Elevage pour réfléchir et proposer des solutions en vue d’une reprise rapide des travaux de l’abattoir. Ainsi, par arrêté n° 20/MEL/DGPIA/DIA du 23 avril 2012, un comité de la relance, du suivi, de la supervision et du contrôle des travaux de l’AFN a été mis en place.

Ce comité multisectoriel a été chargé de donner la situation du matériel commandé (inventaire du matériel réceptionné, inventaire du matériel stocké au port, inventaire du matériel non arrivé au port); d’étudier les obstacles juridiques pour proposer de nouvelles conditions consensuelles de reprise des travaux; de corriger les insuffisances conceptuelles et de mise en œuvre du projet; et d’explorer toutes les possibilités de financement (publiques ou privées) de l’AFN.

Après une analyse minutieuse de la situation, le comité interministériel a recommandé la recherche de financement pour la reprise des travaux de construction dudit abattoir. En rappel, concernant, la construction du nouvel abattoir, il faut dire que l’amélioration des revenus des éleveurs passe par une meilleure maîtrise de l’exploitation du bétail.

Du reste, le Programme de Renaissance prévoit l’amélioration du taux d’exploitation du cheptel de 10 à 20%. Pour cela, le Programme prévoit la construction des abattoirs le long de la frontière avec le Nigeria. C’est pourquoi, depuis 2011, la construction du nouvel abattoir de Niamey a toujours été inscrite dans les priorités du Ministère de l’Elevage.

Ainsi, tenant compte de tout ce qui précède, le Ministère s’est engagé dans la recherche de partenaires pour le financement de la construction de ce nouvel abattoir qui devrait permettre aux éleveurs du Niger de tirer un profit de l’ordre de 28,5 milliards de FCFA par an pour une production de 40 000 tonnes de viande. Il devrait aussi améliorer la balance de paiement de 30 milliards à travers l’exportation de viande, et occasionner des recettes budgétaires de 1,768 milliards par an sous formes de redevance et de dividendes.

Récemment, lors de la visite du Président équato-guinéen au Niger, il a été aussi question de la construction d’un abattoir frigorifique moderne, en partenariat avec ce pays. Quelles sont les motivations de cette initiative, et qu’elles en seront les retombées pour le Niger?

Le Programme de Renaissance prévoit l’amélioration du taux d’exploitation du cheptel de 10 à 20% et la construction d’abattoirs modernes le long de la frontière avec le Nigeria. En effet, l’amélioration du taux d’exploitation peut se faire à travers entre autres la construction d’abattoirs modernes aux normes internationales favorisant l’exportation de la viande.

Comme vous pouvez le constater, les réelles motivations de la construction d’un abattoir moderne en partenariat avec la Guinée Equatoriale est la valorisation de notre cheptel pour l’amélioration de revenus des populations rurales. En effet, l’exportation de notre cheptel se fait exclusivement sur pieds, avec toutes les tracasseries que cela comporte et le manque de valeur ajoutée.

Avec la construction d’abattoirs modernes, aptes pour l’exportation, les retombées pour les éleveurs et au-delà, pour notre pays, seront énormes. A titre d’exemple, l’étude pour la construction du nouvel abattoir de Niamey a démontré qu’avec la construction d’un abattoir d’une capacité de 40 000 tonnes, nos éleveurs devraient tirer un profit de l’ordre de 28,5 milliards de FCFA par an.

La balance de paiement devrait également s’améliorer de 30 milliards à travers l’exportation de viande et occasionner des recettes budgétaires de 1,768 milliards par an sous formes de redevances et de dividendes.

Vous comprenez donc bien que les motivations d’une telle initiative sont nobles et devraient contribuer efficacement à l’amélioration des conditions de vie des populations nigériennes et à la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
Seini Seydou Zakaria(onep)

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